le blogadoch2

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vendredi 6 juillet 2018

L'Autre qui parle...

  
Voici un texte dont l’écriture résulte de l’écoute de bruits qui ont circulé dans ma tête, un jour de l’automne dernier.
Le rythme en est soutenu, les coq-à-l’âne fréquents. Le temps est comprimé, au point que les alinéas n’ont plus droit à l’existence. Il faut entrer dans le flot des mots sans pouvoir choisir la mise en forme, sans aérer le texte, sans souffler. Normal, la Petite Voix intérieure ne s’arrête jamais pour aller à la ligne. Elle a un discours ininterrompu.
Au lecteur de prendre la décision de s’y aventurer. À lui de juger si faire la connaissance de cette matière présente un intérêt quelconque.


Je ne sais pas pour vous, mais il m’arrive de m’intéresser à ce qui se dit dans ma tête quand je ne fais rien. Si je me livre à une petite introspection (ou perception de mon intérieur), je me rends compte que Quelqu’un parle là-dedans. Il parle sans arrêt. Mais pourquoi formule-t-Il des phrases sans cesse? Ce ne sont pas toujours des idées, pas des propositions de réflexion, non, des phrases... Et Il dit et dit... Mais que dit-Il? La première chose que je constate, c’est qu’Il ne suit pas un plan ordonné. Il parle (mais parle-t-Il vraiment?) d’une chose et brusquement, paf, change de sujet. Par exemple en ce moment j’entends Francis Cabrel chanter. Il a cessé de parler de «mais qu’est-ce qu’il se passe dans ma tête?»... — Écoute, dit-Il : Francis chante «Petite Marie»...— Sympa. Ça me rappelle... quoi vraiment? Oui, une fois nous parlions de ce chanteur avec mon épouse... et, c’était quand? je ne sais plus. Peut-être qu’elle me reprocherait de ne pas m’en souvenir. Elle aime bien ce Gascon, son accent chantant (!) et son air romantique de Mousquetaire trompé de siècle. Le voici qui passe à autre chose, sans raison, et me signale que je n’ai pas donné de nouvelles à mon ami Robert, (très) mal-voyant que j’aide à publier ses écrits en langue occitane. Il écrit facilement et tape maladroitement. Je lui ai promis de jouer le rôle de correcteur. Mais pas pour l’Occitan, une langue que je ne connais pas. Alors, je rectifie ses maladresses de frappe dans les parties écrites en français, uniquement. Uniquement n’est pas le mot qui convient ici, à cause du nombre d’erreurs, car lorsque le voile noir de sa rétine descend sur le clavier de l’ordinateur et lui fait rater les touches, Robert en réalise 20 ou 30 par page... Son éditeur habituel se moque des coquilles et des fautes, il fonctionne comme un robot : «J’imprime, je vends, basta!». Je ne supporte pas cette attitude qui est une insulte aux lecteurs, qui sont des personnes suffisamment altruistes (ou inconscientes), pour aller jusqu’à donner de l’argent à des inconnus qui ont couvert de leurs élucubrations intimes des pages blanches qui n’en demandaient pas tant. Je crois que je serai son éditeur dorénavant. Les odeurs de cuisine arrivent jusqu’au bureau. Elles suffisent à orienter le monologue de Il : le dîner se fera («comme d’habitude» selon Claude François), à la cuisine, devant le petit poste de télé qui ne cessera de papilloter en changeant de chaîne, selon l’humeur de la ménagère. Et je surveillerai ses doigts, ne tournant mon visage vers l’écran que lorsqu’ils cesseront de danser sur les touches de la commande. Cette publicité à la télé. Horrible. À la même heure sur toutes les chaînes : la capacité de pouvoir zapper ne sert plus à rien. Le consommateur est cerné. Il n’a plus qu’à se rendre ou devenir hermite (ou ermite, on a le choix, dit la Petite Voix au correcteur automatique). Je crois plutôt que je vais juste me servir de cette constatation pour alimenter le flot de mes indignations. Lui : — La moto que tu restaures est bientôt terminée. — Dommage, c’est un loisir que j’aime, le bricolage. Mais ce ne sera jamais vraiment fini, car il n’est pas possible qu’une machine de plus de 30 ans se contente d’une peinture et du renouvellement de ses «consommables»... Elle ne sera pas encore prête à prendre une route sans aventures. Je suis sûr qu’elle va nous réserver quelques pannes ou pannettes, (c’est joli pannettes), de derrière les fagots. C’est une chance! Une chance surtout si ça n’arrive pas au bout de la route, un soir de pluie, sans relais pour le smartphone... Une chance, d’avoir une panne? Pourquoi pas? Le monde aseptisé d’aujourd’hui, qui veut nous formater, nous rassurer, et nous garder sains (pas par gentillesse, non, juste pour ne pas coûter trop cher à la Sécurité Sociale), ce monde-là n’est pas marrant. Pourquoi l’empêcher d’être parfois informel, aventureux, et aléatoire? Maintenant, Il mêle constats et sensations : j’ai les pieds froids sur ce carrelage d’automne. J’aurais dû enfiler mes vieilles chaussettes qui me servent de pantoufles à la maison. Je n’aime pas les pantoufles, surtout celles à gros carreaux de couleur, les Charentaises... Leur tiédeur caoutchouteuse encolle mes pieds de façon désagréable. Tiens, en Chine, dans tous les hôtels, on trouvait des mules en tissu ou peut-être en papier, dans une pochette transparente, des accessoires pour un ou deux voyages vers la salle-de-bain, plutôt que pour l’usage, d’une fragilité incroyable. Mais le fait est avéré... La Chine, inépuisable sujet, mystérieuse contrée, aujourd’hui encore à cheval entre son passé antique, merveilleux par bien des côtés, et le passé récent et agressif de la dictature maoïste... Jetée dans le monde de la modernité, et celui du capital. Qui l’attendait gueule ouverte et poings faits. Partageant ses outils entre ceux d’aujourd’hui (ceux de l’informatique), et ceux du paysan, telles ces araires du passé, tirées par des zébus indolents (à quoi pense un zébu chinois lorsqu’il tire une charrue?), et drivées par un aurige au chapeau conique. Une image visible depuis la moindre limousine ultra-moderne circulant sur une de ces routes de campagne revêtues d’une chape de ciment irréprochable, au lieu de bitume. Un revêtement de mortier lisse comme la main, aux bords parfaits et tranchants, se lançant parfois à travers les rizières comme une jetée vers la haute mer... Paysan par nature, et ouvrier industriel intérimaire par nécessité, le Chinois de la campagne qui attend le coup de fil éventuel de l’employeur sur son portable, n’est plus tout-à-fait celui des vieux livres d’images exotiques. Il porte encore le large cône plat sur l’occiput, mais comme il n’a pas d’électricité, il va chez son voisin pour faire recharger la batterie de son mobile. — Mais ton voisin-qui-a-l’électricité habite trop loin, lui fait remarquer la Petite Voix. — Oh, non! Il n’y a que 3 heures de marche. Un pays dont même les intellectuels et les chercheurs ne connaissent plus rien de leur avant, ont oublié leur histoire, et leurs merveilleuses sciences basées sur la Tradition primordiale et la métaphysique à l’état brut (celle de la Création), considérant à tort les taoïstes comme des religieux, alors qu’ils n’étaient que porteurs de l’idée du Sacré.... Mais, bons vendeurs, et faisant feu de tout ce qui n’est pas écrit dans le petit livre rouge, ils font tellement bien semblant, qu’ils trompent l’Occident, un Occident toujours plus attiré par la légende que par la réalité. Aller là-bas apprendre la médecine chinoise est une erreur et une hérésie. Car nous savons (nous, les récipiendaires de l’enseignement magistral de Jacques André Lavier) que les médecins chinois nous courtisent dans l’espoir de retrouver les sciences et les modes de pensée qui leur ont été enlevées par l’histoire, les Jésuites, la négligence, ou la force impérieuse de la pensée unique pendant 70 récentes années. — Te souviens-tu de ce groupe de jeunes Français si fiers d’avoir fait le déplacement jusqu’à l’université de Kunming pour apprendre la médecine traditionnelle chinoise à la source? Te souviens-tu de notre éclat de rire terrible, qui n’a pas été compris, quand nous sortions à peine de ces journées d’échanges à sens unique : les Occidentaux révélant aux intellectuels chinois, les secrets de leur propre médecine antique. La surprise de ces derniers, leurs multiples questionnements. Et les autres, là, les petits Français naïfs, victimes d’une légende, qui repartiront avec quelques banales recettes mille fois ressassées d’aiguillo-thérapie rudimentaire, plus poétiques que pragmatiques, enjolivées par la réputation légendaire de la Chine, par la distance, par un vocabulaire vernaculaire qui «fait» sérieux... Avec dans leurs bagages une pochette de «véritables aiguilles traditionnelles chinoises» torsadées à l’envers par ignorance — Mais tu sais, ajoute l’Autre qui parle, nos pays occidentaux ont fait exactement la même chose, et oublié la composante spirituelle de l’Être, le limitant, avec l’aide des scientifiques et des philosophes à une dualité «âme / corps», ou «affectivité / soma». La précieuse spiritualité qui nous relie à la Grande Unité devenant article obsolète n’ayant plus droit de cité. Il est l’heure du repas, me confie la Petite Voix en prenant le ton caverneux de mon estomac vide. Que va avoir mijoté Claude? Elle aura choisi simple et bon, comme à l’accoutumée. Je vous le raconterai à l’occasion...

«L’Autre qui parle», alias Il (il), alias la Petite Voix...








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