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vendredi 24 août 2018

Marine à voile et Tradition...


Comment le symbolisme et l’utile se rejoignent… Hasard ou nécessité ?



Pour mieux concevoir, mieux expliquer, et mieux transmettre, l’homme a toujours ressenti le besoin de symboliser les notions difficiles à manipuler, comme celles qui nous concernent aujourd’hui.
Il y a quelque temps, je vous faisais part* de l’utilisation dans les constructions, par les ouvriers initiés du passé, de formes symboliques ayant un rapport avec les principes de la Tradition primordiale.

Je vous racontais comment le cercle, le carré et l’octogone, sont les trois formes qui ont permis à l’homme, en représentant symboliquement la hiérarchie Ciel-Homme-Sol de conforter sa place légitime entre le Ciel qui le domine et le Sol qu’il maîtrise, et de tenter ainsi, dans ses créations, de respecter la meilleure harmonie avec la manifestation** dont il est l’un des protagonistes.

Pour illustrer différemment le contenu de cet ancien article, voici une anecdote historique, ayant un rapport avec l’aventure de la marine à voile.


Un petit rappel

Revenons un instant à la grande Tradition. Nous savons que les principes primordiaux à l’origine de cette dernière, avaient été “suggérés“ à l’homme par l’observation de la nature***. Les événements célestes, rythmés comme la succession du jour et de la nuit, le déroulement répété des saisons, l’avaient poussé à sacraliser le Ciel, élément remarquable par sa puissance.



- Le Ciel, représentant la qualité, sera traditionnellement symbolisé par un cercle, qui mieux que toute autre figure, schématise la course cyclique des astres autour de nous, selon un rythme régulier. Un cercle est également l’élément d’une demi-sphère, comme nous apparaît la voûte céleste, au-dessus de nous.



- Par opposition, c’est le carré qui symbolise le Sol, qui lui est  quantitatif. C’est l’Espace de l’Homme. Les exemples les plus marquants en sont les limites de son champ, les angles de sa maison, les 4 directions cardinales, tous éléments universels et indiscutables de l’étendue.



- L’octogone est sans doute la seule des trois figures à devoir quelque chose à la réflexion, plutôt qu’au seul constat. On imagine bien qu’elle convient mieux qu’un pentagone ou qu’un heptagone pour figurer le terme moyen, à mi-chemin entre le carré et le cercle, lui-même considéré dans toutes les traditions comme soumis à un système duodénaire (à base de 12).

Nous avons donc :

4 + 12 = 16

et 16/2 = 8

La suite 4/8/12 est donc légitime.

Et par suite, la disposition hiérarchique de ces symboles géométriques est toute définie : le cercle représentera le haut et le carré le bas, alors que l’octogone figurera le plan moyen.

On devine sans effort ce que permet ici l’application de l’analogie : le cercle représentera le Ciel, le carré le Sol et l’octogone, l’Homme, réellement situé entre les deux.

 



Dans le précédent article, nous avons vu des exemples de constructions réalisées selon cette hiérarchie, des églises, des fontaines, des tours, par les ouvriers qui avaient la Connaissance des lois de la Tradition, et pouvaient les appliquer dans leurs œuvres : c’était le cas des Compagnons, par exemple…



Venons-en à la marine à voile.

Les bateaux au long cours les plus répandus au temps passé, étaient les voiliers dits “à phares carrés“ (à voiles carrées, comme les caravelles, les frégates…). C’étaient les bateaux de commerce, ou ceux des pirates, ou encore ceux des explorateurs. Ils étaient fabriqués par des ouvriers souvent initiés, qui savaient les secrets permettant d’assurer une certaine harmonie entre l’objet construit et le cosmos, en appliquant les Lois du Ciel



 
L'Hermione 




Nous allons voir que très curieusement, le symbolisme et le pragmatisme se rejoignent dans cette création utilitaire que constitue la construction d’un voilier, fut-il le plus rudimentaire qui soit. Ce qui semble avoir été le cas de ces navires, la plupart du temps construits hâtivement et grossièrement.

Sur les voiliers d’aujourd’hui, les mâts sont posés sur le pont et sérieusement haubanés pour résister à la force du vent.

À l’époque, les mâts étaient emplantés dans le fond du navire, dans une cavité cubique creusée dans la massive contre-quille. L’extrémité inférieure du mât était bien sûr ajustée à cette forme et taillée selon une section carrée, qui permettait une bonne tenue, et promettait la plus grande résistance aux efforts à venir.



La partie haute du mât recevait les voiles et les vergues, qui devaient pouvoir être orientées selon toutes les angulations possibles pour se prêter à la direction du vent. Il valait mieux que le fût soit, en cet endroit, parfaitement cylindrique, donc de section circulaire.



Un point important était constitué par la traversée du pont par le mât. Par gros temps le pont était balayé par les vagues et l’eau s’infiltrait par tous les espaces mal colmatés, comme celui qui aurait pu se trouver autour du mât. Imaginons notre mât jaillissant de la soute comme un arbre : à cause des légères déformations dues aux efforts exercés par le vent, il était très difficile de rendre la traversée du pont étanche.

Une solution consistait à coincer de l’étoupe ou des chiffons maintenus en place à l’aide de petites planchettes enfoncées en force autour du mât.

L’expérience a montré que la meilleure étanchéité était obtenue lorsqu’il avait été, pour l’occasion, sculpté en cet endroit selon une section polygonale. C’est la forme de l’octogone qui fut choisie. On peut imaginer qu’une section carrée par exemple, aurait présenté des angles trop marqués pour être convenablement calfatés. Une forme polygonale plus multiple aurait augmenté les exigences de précision, et aurait obligé à utiliser une plus grande quantité de planchettes, donc de créer plus de hiatus entre deux planchettes.

C’est l’octogone qui a été choisi.



Carré, octogone, cercle… le compte y est. Et dans le bon ordre ! Mais quels motifs avaient réellement présidé à ces choix ?

- était-ce le pragmatisme des constructeurs ? Parce qu’il fallait empêcher le mât de tourner dans son emplanture, parce qu’il fallait que les anneaux de ragage, les cordages, les bômes et les vergues se positionnent sans heurts dans toutes les positions exigées par la navigation ? Parce qu’il fallait à tout prix trouver un moyen de bien maintenir l’étoupe et éviter les intrusions de l’eau autour du mât ?

- ou bien était-ce une soumission à la Tradition ? Parce que le mât, symbolisant par sa verticalité l’Axe du monde, se devait, plus que tout autre élément du bateau, de respecter les grands principes, et porter en lui les symboles universels ? Des symboles qui, par leur présence sur cette partie importante du navire, par la hiérarchie subtile qu’ils contenaient, ne pourraient que favoriser une relation harmonieuse de l’homme avec les éléments sacrés du cosmos, avec les limites métaphysiques de la manifestation.



Comme vous devez vous en douter, je n’ai pas l’autorité nécessaire pour répondre à cette question. 

  





*Voir l’article :


** Manifestation : entité métaphysique qui désigne ce qui est contenu entre les limites Ciel et Sol, donc l’Homme, et les inter-relations qui existent entre eux trois.


*** Voir l'explication de ce fait dans la deuxième partie de l’article :


2 commentaires:

  1. Très intéressante cette description du mat des vieux navires. Il faudra chercher si il en etaét déjà de même pour les navires antiques.

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    1. C'est possible, dans la mesure où un pont était présent,JF.
      On a retrouvé ces 3 formes géométriques dans les débris du phare d'Alexandrie. Cela prouve que ce symbolisme était connu et appliqué déjà à l'époque.
      Je te laisse le soin de chercher...
      Content que cela t'ait intéressé.
      D.

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