Je reviens aujourd'hui sur une observation peu courante, filmée par un myrmécologue amateur…
Pour l'occasion, je reprends et complète avec la vidéo, mon article de novembre 2013 "Des parasites pour tous".
Myrmécologie : science liée à l'entomologie spécialisée dans l'étude des fourmis.
Les
espèces de fourmis sont très nombreuses, et leur comportement varié. Les
fourmis endémiques se mêlent à des fourmis invasives, représentées chez nous
par la fourmi originaire d’Argentine, la fameuse petite fourmi orangée,
collante et teigneuse, qui se faufile dans les moindres interstices du sol du
jardin ou du carrelage de la maison. Cette espèce, importée, comme son nom
l’indique, couvre une partie de l’Espagne et du sud de la France. Son domaine
semble s’étendre progressivement.
Aux Etats-Unis, dès le début du XXème siècle, une espèce au contact redoutable, dite red imported fire ant (RIFA) à cause de son origine et de la
brûlure provoquée par sa piqûre, ou, plus savamment solenosis invicta, s’installe et se multiplie, devenant une véritable plaie. Nous verrons comment
les autorités ont décidé de la combattre.
Si les fourmis sont si nombreuses et si
fréquentes, c'est sans doute parce qu'elles n'ont guère de prédateurs. On
imagine principalement le fourmilier, ou son clone le tamanoir, que l’on se
représente ramenant sa langue filiforme, chargée de fourmis
engluées. Une scène de prédation qui se passerait dans un pays exotique, au
détriment de fourmis innombrables et hyper-actives, mais qui ne manque pas de
nous laisser un peu frustrés par ses limites, devant la présence envahissante,
et, semble-t-il, indestructible de cette engeance.
Le fourmilier (photo nature.ca)
Dans nos contrées, enfant, nous avons longuement observé à plat-ventre,
la larve du fourmi-lion, tapie au fond d’un entonnoir creusé dans le sable,
attendant qu’un mini-éboulement la prévienne de l’arrivée d’une proie. Celle-ci
sera bientôt aspergée de jets de sable et entrainée dans les profondeurs du
piège. Mais compte tenu du faible rendement de cette technique de capture, on
peut supposer qu’elle ne met pas en danger l’espèce myrmécole.
Pour les curieux, voici un excellent article illustré sur le fourmi-lion et ses techniques : https://www.insectes-net.fr/fourmilion/fourm3.htm
Il existe aussi, parmi ceux que l’on peut considérer comme des
prédateurs, des insectes redoutables dont la descendance est assurée – bien
malgré elle - par la fourmi. Très petits, ils agissent avec beaucoup d’adresse
et de persévérance pour effectuer le travail de leur vie : pondre leurs
œufs dans le corps d’une fourmi vivante. On devine que ce dernier servira de
couveuse et de garde-manger pour la future larve qui devra sa vie à la mort de
la fourmi. Compte tenu de leur mode de reproduction, et de leur comportement,
ces agresseurs sont appelés parasitoïdes.
Depuis des années, de nombreuses observations ont permis de recenser
plusieurs dizaines de diptères, et au moins autant d’hyménoptères, adeptes de
cette technique de reproduction. Signalons cependant que d’autres insectes que
les fourmis sont victimes de la même technique de parasitage.
Mini-guêpe parasitoïde (photo MyrmécoFourmis)
D’après les renseignements que j’ai recueillis sur le net, l'un des
plus connus parmi les parasitoïdes des fourmis serait un diptère de la famille
des phoridae.
La phoride (photo Wikipedia)
De
très petite taille (1 mm), il fait penser à la mouche drosophile, bien connue
des scientifiques, mais lui présente une bosse caractéristique sur le dos de
son thorax. Il existe des centaines d'espèces de phorides, chacune s'intéressant à une espèce particulière de
fourmis ou d'autres insectes.
On a parlé aussi de rares cas de phorides
pondant dans le corps humain, et provoquant des myiases, infestations cutanées et sous-cutanées qui ressemblent à
des furoncles (pays chauds).
Les Américains, ont décidé d’utiliser des phorides pour lutter contre les fourmis de feu (RIFA), invasives
depuis les années 30. La technique de ce moucheron US est différente. D’après
une vidéo (à partir de 1'10), le moucheron pique la fourmi au niveau du thorax en plongeant rapidement sur elle, puis
il remonte alors que la fourmi s'écroule une seconde ou deux, comme victime
d'un violent traumatisme.
Quelques jours ou semaines plus tard, la tête de la fourmi est séparée de son corps grâce à l’action d’une enzyme produite par la larve, et le moucheron en sortira tout à fait complet, de la même façon que la cigale ou le papillon sortent de leur chrysalide. C'est ce qu'on voit au début de cette même vidéo.
Aux États-Unis, les résultats de l'action des phorides ne semble pas suffisamment efficace. En Caroline, la RIFA est également la proie favorite d'une plante carnivore, la venus flytrap ou dionée-attrappe mouches.
Phoride s'attaquant à une fourmi de feu (photo Gurumed)
Quelques jours ou semaines plus tard, la tête de la fourmi est séparée de son corps grâce à l’action d’une enzyme produite par la larve, et le moucheron en sortira tout à fait complet, de la même façon que la cigale ou le papillon sortent de leur chrysalide. C'est ce qu'on voit au début de cette même vidéo.
Aux États-Unis, les résultats de l'action des phorides ne semble pas suffisamment efficace. En Caroline, la RIFA est également la proie favorite d'une plante carnivore, la venus flytrap ou dionée-attrappe mouches.
Pour ma part, tout-à-fait ignorant en la matière, mais porté à observer
les choses de la nature, et ayant la chance d’habiter la campagne, j’ai eu
l’opportunité, à maintes reprises, d’observer le manège de certains de ces
minuscules moucherons en train d'agresser mes fourmis commensales.
D’après ce que j’ai pu observer, le moucheron choisit sa proie parmi
l’espèce la plus grosse existant dans mon jardin, la tapinoma.
Espèce tapinoma (photo DCO)
Ensuite, il suit la fourmi, d’un vol nerveux, parfois
parfaitement calqué sur la trajectoire de l’insecte, à environ 1 cm d’altitude,
en se tenant à l'aplomb de l’arrière de l’abdomen de la fourmi.
Soudain, il plonge sur la fourmi d’une façon tellement rapide qu’on le
retrouve aussitôt en vol. Généralement la fourmi sursaute violemment en
rentrant son abdomen. Elle accélère follement sa course pendant quelques
secondes. Mais le moucheron reprend son manège et s'apprête à recommencer.
Parfois la rencontre d’une autre fourmi va pousser le moucheron à
changer d’objectif. D’autres fois, ce sont deux moucherons qui harcèlent la
même fourmi.
Tout ceci fut pour moi une découverte, et une grande surprise. Je
décidais alors d’essayer d’enregistrer photographiquement ces phénomènes, pour
pouvoir faire partager mon étonnement. Mais comment procéder? On se doute bien
qu’une photo, prise au vol, sera totalement illisible, à cause de la petite
taille du moucheron, du fond d’image inapproprié contre lequel il deviendra
invisible, et de la rapidité de ses mouvements qui empêche toute mise au point
précise.
Ne disposant pas d’appareil de prises de vue prévus pour ce type
d’enregistrement, j’ai cependant plusieurs fois tenté de filmer le phénomène à
l’aide d’un appareil photo numérique réglé sur vidéo et muni d’un réglage automatique de la prise de vue en mode macro. Il faut signaler qu’une fourmi ne
s’arrête pratiquement jamais (sauf parfois pour dépecer une proie), et que sa
course zig-zagante, imitée ici avec une précision homothétique par le
moucheron, est difficile à suivre avec un appareil démuni de viseur. Nombreux
furent les échecs, jusqu’au jour heureux, où ces fourmis ont bien voulu poser
pour moi, et pour vous. J’ai pu filmer plusieurs séquences le même jour,
s’étalant sur près d’une demi-heure. Les fourmis avaient eu la bonne idée de
grimper, à partir du sol où ma position n’était pas confortable, le long d’un
muret d’environ 1 mètre de haut, et ensuite, d’évoluer (très lentement pour une
fois), à son sommet.
On reconnaît la phoride à son dos bossu (photo DCO)
Vous constaterez que cette fois, les piqués et les piqûres sur la
fourmi n’ont entraîné aucune réaction de fuite de sa part, ce qui m’a permis de
continuer à filmer la scène.
L’action étant assez répétitive, je n’ai conservé qu’une petite partie
de mes rushes, que j’ai montés en les associant à des photos elles-mêmes issues
du film, et agrandies autant que faire se pouvait.
Le résultat, compte tenu du modeste matériel utilisé, et de l’absence
de préparation, est cependant regardable, et j’espère qu’il va retenir votre
attention pendant les 6 minutes de la vidéo.
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