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lundi 17 novembre 2014

L'obsolescence programmée, l'écologie... et un vélo



 Contenu : Comment les fabricants programment la désuétude de leurs produits afin qu'ils soient rapidement renouvelés.

Nota : Cet article a été publié sur l’ancien blog le 23 janvier 2013. Je l’ai repris, juste pour le plaisir, car, depuis,  le vélo a trouvé un compagnon…


Obsolescence programmée ou désuétude plannifiée... Des mots savants pour traduire un comportement commercial parfois frauduleux...
J'ai appris, il y a bien longtemps, que l'économie d'une entreprise n'était viable à long terme que si son chiffre d'affaires augmentait chaque année d'un certain pourcentage. Gustave Thibon, un passionnant penseur, qui sévissait à la télévision dans les années 60, racontait un jour avoir effectué une visite d'une grande usine d'automobiles aux USA. Son guide se rengorgeait en lui affirmant :
— Grâce à notre bonne gestion et compte tenu de nos bénéfices, le niveau de vie de nos ouvriers est aujourd'hui très bon. D'ailleurs, maintenant, ils peuvent changer de voiture tous les 2 ans. Nous avons tout mis en œuvre pour qu'ils puissent le faire. Et cela fait marcher la production aussi.
Ce à quoi, Gustave Thibon répondit :
— Comment ferez-vous lorsqu'arrivera le jour où ils devront changer de voiture tous les quarts d'heure? 

Et il y a bien longtemps que les fabricants tentent d'augmenter leur production annuelle par tous les moyens. Le premier étant évidemment de provoquer un accroissement de la demande. Celle-ci étant limitée par le nombre de clients potentiels, il leur fallait trouver un moyen d'obliger ces derniers à renouveler plus souvent leur achat du même produit.
Et lorsqu'il s'agit d'un produit non consommable ou peu enclin à l'usure, ils se sont arrangés pour que cette usure se manifeste rapidement, ou encore, par des manœuvres d'action psychologique, pour que la demande de renouvellement se fasse au bénéfice d'un modèle plus récent, mais pas forcément meilleur.

Pour illustrer le premier moyen cité, voici un exemple concret : lorsqu'ils sont sortis, les premiers bas nylon se sont avérés pratiquement inusables. Les fabricants n'ont rien trouvé de mieux, pour booster leurs ventes, que de diminuer la résistance des fibres de nylon, en supprimant certains additifs destinés à protéger le polymère des rayons ultra-violets néfastes à leur durée, et en diminuant le grammage sous couvert de "tendance". 
Malheureusement pour les clientes, mais opportunément pour les fabricants, la durée de vie de ce nouveau produit était fortement diminuée. En même temps que ces ouvrières spécialisées dans la reprise des bas, que l'on voyait parfois travailler fiévreusement devant un soupirail, le nez au ras du trottoir, disparut peu à peu dans le public la conviction qu'il fallait acheter "durable".

Quant à la méthode consistant à amener psychologiquement la clientèle à rechercher la nouveauté, on dit qu'elle a été inventée au début du siècle dernier. Wikipedia cite le cas de Ford avec son modèle T fabriqué pendant 19 ans, facile à réparer, qui donnait toute satisfaction. Mais Général Motors produisit bientôt un modèle plus moderne, avec une gamme plus étendue, qui comportait 3 nouveautés par an, ce qui incita les acheteurs à abandonner facilement leur ancien modèle pour le dernier sorti, plus conforme à la mode. Ford fut ainsi contraint d'entrer dans ce système de course au nouveau modèle.
Dans l'exemple suivant, le produit encore fonctionnel est délaissé par une clientèle manipulée par les dictats de la mode ou du snobisme, qui se précipite sur la dernière version de l'appareil. Chez Apple, les clients font la queue pour acquérir le dernier modèle  iPhone sorti, qui ne téléphone pas mieux que le précédent.

On peut se dire qu'en l'occurrence, il n'y a rien de bien immoral, puisque l'acheteur peut adapter son achat à ses désirs. Mais où l'affaire se corse, et procure des cauchemars aux associations de consommateurs, c'est lorsque le fabricant limite volontairement la durée de vie de son produit, et met en œuvre des techniques scandaleuses pour que l'objet cesse de fonctionner, partiellement ou totalement. Le client est alors soumis à des contraintes, opposées par nature :
- faire réparer, parfois à des tarifs disproportionnés par rapport à l'importance de la panne elle-même (car la garantie est souvent terminée);
- jeter l'appareil à la poubelle et se rendre acquéreur du nouveau produit, au prestige factice, car parfois seule la présentation esthétique a vraiment changé.

Le cas des imprimantes est bien connu, bien qu'il n'émeuve personne. Il constitue un sommet dans ce type d'escroquerie, et se joue sur plusieurs tableaux, comme nous allons le voir.
D'une part, grâce aux possibilités sans fin que procure l'électronique, votre imprimante est programmée (au sens propre), pour cesser de fonctionner après un certain nombre d'allumages, ou de pages imprimées. Le prix de la réparation (lorsque le constructeur l'accepte) étant équivalent ou supérieur à celui d'un modèle d'entrée de gamme, vous devinez ce qui va se passer : vous n'allez pas accepter de donner à un réparateur une somme qui vous permettrait d'acquérir un des derniers modèles (présentés comme meilleurs par le fabricant).
D'autre part, lorsqu'il fabrique aussi les cartouches d'encre, le constructeur peut les rendre inutilisables avant qu'elles ne soient vides, grâce à une puce électronique programmée de la même façon, sur un nombre de connections électriques, plus que sur un nombre de pages imprimées. La Communauté Européenne vient de mettre fin à ce procédé scandaleux, qui obligeait le client à jeter des produits non consommés, et à en acheter des neufs inutilement. 

J'ai eu une imprimante de célèbre marque (celle qui "peut le faire"), qui un jour, sans doute parce que le compteur avait atteint le chiffre fatidique, critiqua ma façon d'insérer la cartouche : 
   "Cartouche d'encre mal positionnée", m'a-t-elle dit.
D'après elle, ma manœuvre avait été mauvaise, et pour me punir, elle refusait de fonctionner. Or, il n'y a qu'une seule façon de placer la cartouche : on la présente devant son logement, et on la pousse jusqu'à entendre le claquement du petit verrou. Il est évident que ce n'était qu'un trompe-couillon.
Le réparateur me demandait 90€ pour rendre la machine à nouveau fonctionnelle. J'ai bien sûr refusé, et il a hurlé quand je lui ai demandé de simplement me transmettre le code de réinitialisation. Évidemment, le gâteau est trop bon.
L'utilisateur peut recevoir aussi le message suivant qui prétend justifier la panne : "Réservoir de l'encre usagée plein". Il faut savoir qu'à chaque allumage, l'imprimante crache un peu d'encre par ses buses d'impression pour les déboucher. Ces deux ou trois gouttelettes sont envoyées par une petite pompe vers le fond du boîtier de l'appareil qui est recouvert d'une sorte de feutre absorbant, de 1 centimètre d'épaisseur. Il faudrait 1 litre ou 2 d'encre pour le rendre inefficace, ce qui est inimaginable, même en 10 ans de service. Encore un mensonge payant : en réalité, le fabricant voudrait qu'on change d'appareil, mais techniquement, il suffirait simplement de remettre à zéro le vicieux compteur. Car rien n'est usé dans la machine.

Toujours dans le monde de l'informatique, certains ordinateurs deviennent inutilisables avec les nouveaux logiciels, ou encore ce sont des logiciels qui deviennent obsolètes lors du changement du support, ou le changement du système d'exploitation.
D'autres nombreux exemples rendent volontairement incompatibles entre eux les différents millésimes des produits informatiques.  

On trouve le même scandale dans le monde de la télévision, où les écrans plats se consomment si rapidement que les dépôts de recyclage sont débordés. Ici, une des "astuces" malhonnêtes consiste à placer les condensateurs, ces petits accessoires très sensibles à la chaleur, le plus près possible des transformateurs, à l'intérieur de l'espace confiné derrière l'écran. Les transformateurs sont reconnaissables à leurs ailettes de refroidissement qui rappellent celles des moteurs de motos. Ainsi, les condensateurs cessent de fonctionner bien plus rapidement que ne l'avaient prévu leurs fabricants. La réparation coûtera quand même une certaine somme compte tenu du coût de la main-d'œuvre, et là encore, la garantie étant terminée, l'acheteur sera orienté fermement vers le prestigieux "dernier modèle" équipé des nouveaux gadgets à trois sous.

Un procédé semblable est utilisé pour les ordinateurs portables qui sortent d'usine avec un refroidissement volontairement inefficace, pour réduire leur durée de vie autour de 2 ans. C'est aussi ce qui explique la profusion, sur le marché, de tablettes-supports avec des ventilateurs supplémentaires intégrés.
Ne parlons pas des batteries scellées non interchangeables, des nouveaux condensateurs indémontables, de l'arrêt de production de pièces détachées (qui rendent tout appareil inutilisable), de l'adjonction volontaire de défauts de conception, etc.
Tous les domaines de la consommation sont touchés par cette maudite technique de l'obsolescence programmée, comme ceux de l'habillement, des chaussures, et même de l'alimentation et de la pharmacie (avec des dates de péremption non réalistes). 

Une question peut se poser pour les constituants ayant trait à la sécurité d'une automobile ou d'un avion. Pour ce qui est des engins volants, il existe des calendriers préconisant les dates de renouvellement de certaines pièces, dont les fréquences sont bien difficiles à mettre en doute... Il ne serait pas étonnant qu'il y ait ici aussi du gaspillage, rentable pour les fabricants — sous couvert du principe de précaution, sésame de la bonne conscience, trop généreusement appliqué. 

À une époque où la pollution de la planète et la gestion de nos déchets posent tellement de problèmes, des attitudes aussi machiavéliques et aussi malhonnêtes devraient être sinon réprimées, du moins sévèrement réglementées par les autorités (qualifiées à tort de "responsables"). Elles ont bien su le faire pour diminuer les émissions polluantes des véhicules.
Enfin, le gaspillage généré par la destruction abusive d'appareils récents, qui comportent tous des constituants en métaux plus ou moins rares, constitue une perte incongrue de ressources minières naturelles.

N'est-ce pas une énorme désinvolture, une immense agression, une escroquerie scandaleuse, que de se moquer des consommateurs, en remplissant les dépôts de recyclage de montagnes de ces merveilles de la technique, de ces appareils quasiment neufs, qui seraient capables de fonctionner encore des années? De ces écrans plats qui nécessiteraient quelques centimes d'euros de pièces neuves, et qui contiennent leur lot de matières impossibles à recycler?

Ce n'est qu'une banalité de rappeler que, malheureusement, le monde moderne est dans les mains des financiers, et que ses habitants ont quasiment perdu les repères et les valeurs nécessaires à assurer la survie de l'humanité. 

Et le vélo, dans tout ça? me direz-vous...




(Photo DCO)

Eh bien, je vous laisse à votre indignation, et, pour profiter du beau temps revenu, je vais faire une promenade sur le vélo que voici, qui m'avait été offert pour mon bac.
Il n'a que 65 ans*.

*Authentique.
(Mais j'ai changé les pneus...).

*


Novembre 2014
Mon épouse est triste : son aspirateur vient de rendre l'âme. Depuis quelque temps nous sentions bien que sa santé déclinait. Il avait toujours du souffle, mais qui devenait de plus en plus bruyant. Puis des râles se firent entendre, et il rendit son dernier souffle dans un filet de fumée bleue à l'odeur caoutchoutée.



(Photo DCO)

Je lui pardonne, dit-elle, il a plus de 35 ans, et il a dû tourner pendant des milliers et des milliers d'heures. Il mérite enfin d'être recyclé... 
Il s'appelait Miele.



samedi 15 novembre 2014

À Monument Valley, une anecdote personnelle...




Les images archi-connues de ce fabuleux site américain ne surprennent plus personne. On reconnait immédiatement la couleur rouge du minéral et la forme en ruines, caractéristique de ces curieuses formations géologiques appelées mesas. Dans de nombreux westerns anciens, ce décor naturel est utilisé. Le scénario vous fait croire tantôt que vous approchez de Yuma, ou bien que  la ville de Tombstone et son OK Corral sont juste à côté (les deux sont à plusieurs centaines de kilomètres). Mais qu'importe, le paysage est toujours grandiose... 

Ce site comporte une série de paysages célèbres, identifiés selon leur forme par les Indiens, sous des noms caractéristiques : Les 3 Sœurs, Le Prêcheur, Les Éléphants, Le Hibou, etc.

J'ignorais tout ça, lorsque enfant, j'admirais les multiples boîtes métalliques décorées qui, après avoir contenu diverses denrées épicières, continuaient pendant des années à servir à la maison, de récipients pour le sucre, la farine, les biscuits ou les légumes secs. Certaines représentaient des scènes de chasse à courre, d'autres des animaux, ou encore un port Breton. 

Mais parmi elles, se trouvait ma préférée, qui représentait un Indien monté sur un fier mustang, qui semblait surveiller un paysage immense. Cette boîte me passionnait, et je passais de longs moments à tenter de m'immiscer dans l'image, comme pour mieux en découvrir les parties cachées, et en comprendre les mystères. Ce tableau me faisait tellement rêver, que je me promis, dur comme fer, de visiter un jour ce lieu majestueux...

Je sus plus tard qu'il s'agissait de Monument Valley, et j'ai appris récemment le nom de cet endroit : John Ford's Point. Il fut nommé ainsi après que John Ford ait tourné dans les environs un célèbre western dans les années 30. (La chevauchée fantastique, je crois bien). Il bénéficia de l'aide précieuse d'un Indien du coin, qui devint son guide et son conseiller, et qui, une fois le film terminé, profitant de la publicité donnée au site par le film, prit l'habitude de se faire payer par les touristes de passage, pour poser sur son cheval sur cette petite terrasse naturelle qui domine le plateau. Reprenant ainsi une scène du film.

John Ford et son équipe s'étaient installés pour le tournage dans quelques baraques de bois à Gouldings, à quelques kilomètres. À l'époque, l'endroit était pratiquement désert. Aujourd'hui, la ville du coin est Kayenta, une laide agglomération sans ordre, de maisonnettes éparpillées dans la plaine à quelque distance du site. Elle abrite quelques milliers de Navajos, et quelques hôtels de chaînes connues.
L'endroit est soumis au statut des réserves indiennes, alors ne vous attendez pas à y trouver la moindre boisson alcoolisée.



Sachez aussi qu'une journée passée à flâner dans ce lieu étonnant vous transformera sans aucune préparation en véritable "Peau Rouge". La couleur de l'eau de la douche, le soir à l'hôtel, vous le confirmera.

En 1978, en visite à Monument Valley, alors que nous roulions au pas en soulevant un nuage de poussière rouge, la voiture déboucha brusquement sur un petit terre-plein occupé par deux ou trois autres véhicules.
Et là, à travers le pare-brise, à 100 mètres de nous, s'affichait l'illustration de la boîte de sucre de mon enfance! Un Indien, sur son cheval, regardant la plaine. Il était mitraillé au téléobjectif par un groupe de touristes. Ma surprise et ma joie furent d'autant plus grandes que j'avais totalement oublié le décor de la boîte, ou plutôt que cette image était sortie de ma mémoire. Les années s'écoulant m'avaient appris la variété, la complexité et l'immensité de la nature, toutes choses propres à rendre impossible toute identification géographique. Et pourtant...

Retourné en 2008, je retrouvais la même scène, et ne pus m'empêcher cette fois, d'aller à la rencontre de l'Indien. C'était un jeune homme timide, que les touristes d'ailleurs firent semblant d'ignorer lorsqu'il revint lentement de son promontoire dans l'espoir de récolter quelques sous, comme le laissait entendre la pancarte délavée : 1$ THE SHOT.
Il me raconta que le guide de John Ford était son grand-père, et qu'il succédait à son père dans le rôle de l'Indien-à-cheval-sur-le-promontoire-face-à-la-plaine, faisant perdurer la coutume établie depuis près de 80 ans. Je fus passionné et ému par son récit, au point que, pour le remercier, je lui fourrai une poignée de petits billets dans la main.
Quand vous irez là-bas, vous ne pourrez pas le rater.

En attendant, tout en préparant votre voyage, vous pourrez constater combien "cette" photo est multiple, sur ce site où l'on voit aussi quelques portraits de John Ford. Voici ma photo, avec le jeune Indien sur son cheval


 Photo DCO

Lorsque ce sera votre tour, lorsque le déclencheur de l'APN s'impatientera sous votre doigt, et que vous aurez le souffle coupé par la beauté de l'endroit, par pitié, ne faites pas comme ces minables photographes amateurs qui cachent leur appareil au retour de l'Indien. Sachez que comme ses ancêtres, comme son père, et avant lui son grand-père, il fait partie de cette terre. Elle est en lui comme lui est en elle. Il mérite notre respect, alors que nous ne sommes que des curieux de passage qui collectionnons les photos comme des bons-points futiles et sans âme. 

Nota : Ce texte est inspiré d'un premier récit que j'avais publié en 2012 sur mon ancien blog. Par suite d'une désinvolte attitude de l'hébergeur qui souhaitait maintenant faire payer ses services, ce blog a été réduit à une peau de chagrin, sans doute pour me convaincre d'ouvrir mon portefeuille et choisir mieux. J'ai dû en demander la fermeture, car il était devenu un asile gratuit pour de multiples publicités non désirées. Obtenir sa fermeture a été aussi une aventure... Mais maintenant, mon ancien blog est Over.