Faudrait quand même pas s'endormir ! Il y a encore du chemin...
Dimanche 13 septembre : Estella-Najera (86 km)
Le temps est toujours menaçant
lorsque nous traversons, mon destrier et moi, le vieux quartier d'Estella, par la route, en
direction de l'Ouest. Mais je
crois que le chemin des piétons aurait été plus joli, par les ruelles et le
bord de la rivière.
Je repère bientôt les flèches
jaunes du Camino qui traversent la route de droite à gauche, et qui se dirigent
vers un chemin de terre, carrossable, qui monte derrière des bâtiments. Je le
suis pour voir.
Des pèlerins cyclistes aperçus
au refuge, me dépassent et s'arrêtent un peu plus haut, devant une grande
grille en fer forgé. J'avais complètement oublié la fontaine d'Irache :
pourtant elle est célèbre sur le Camino. Ici, un producteur de vin a installé
une double fontaine : deux têtes de lion en bronze crachent l'une de l'eau,
l'autre du vin. Malheureusement toute dégustation nous sera refusée, les
robinets sont fermés et les grilles sont tirées et cadenassées. Le dimanche,
cela ouvre peut-être plus tard. Nous n'emporterons que des photos…
Lorsqu'il n'y a pas de flèches,
le chemin est signalé par des bornes légèrement trapézoïdales, comportant une
faïence bleue et blanche représentant une coquille Saint-Jacques stylisée
couchée sur le côté.
Un peu plus loin, le chemin
traverse à nouveau la route, et il est maintenant très engageant. Je ne tarde
pas à rattraper le couple de "piétons" distingués qui dormaient par
très loin de moi et qui s'inquiétaient de ma toux. Je trouve qu'ils ont bien
marché.
La piste large et lisse se
transforme en sentier monotrace qui serpente entre les petits chênes : je me
retrouve dans mon élément, et le petit bois en descente est traversé aisément
debout sur les pédales.
Mais le plaisir ne durera pas :
je dois pousser le vélo dans des escaliers en montée, puis le long d'un champ
sur une sente escarpée, heureusement longée par une haie de ronciers chargés de
mûres délicieuses.
Ce matin, j'avais mal plié mes
affaires et les sandales ne trouvaient plus leur place dans le sac. C'est ainsi
qu'elles furent amarrées, roulées dans leur poche de plastique blanc, sur le
sac arrière. Maintenant, elles n'y sont plus et le sac ballote sous ses
courroies détendues. J'ai perdu les chaussures dans les passages trialisants!
Je décide de retourner sur mes
pas. Le chemin étant assez fréquenté, je ne tarde pas à rencontrer un marcheur
qui m'apprend que celui qui le suit a ramassé mon paquet et qu'il l'apporte. En
effet, un grand type que j'avais dépassé arrive en chantonnant, le petit sac à
la main. Il ne comprend pas ce que je lui dis en espagnol de cuisine, et me
réponds en français. Il me tend le sac et m'assure qu'il ne faut pas que je me
tracasse pour les remerciements : "Dieu
me le rendra", dit-il en riant. Et il reprend son chemin et sa
chanson.
Je le rattraperai après avoir
refait mon chargement, et lorsque je le complimente sur la distance déjà
parcourue, il me dit qu'il a l'entraînement, parti depuis 3 mois de Belgique.
Le sentier est plutôt pénible,
longues montées, cailloux à perte de vue, et mes pneus qui ne sont pas adaptés.
Je reprends la route dès que je la croise à nouveau, jusqu'à une
station-service où je casse la croûte, pour me donner les forces nécessaires à
vaincre ce sacré vent de face. Dur, dur.
J'entre dans la ville de
Logroño à 1 heure et demie, et commence la galère. Je dois trouver la route qui
en sort, en direction de Burgos. Ça paraît simple, dit comme ça, mais je me
retrouve encore une fois à l'entrée de l'autoroute. Et tous les gens interrogés
m'y renvoient, même si je demande "la
vieja carretera". A croire
qu'on l'a détruite.
Je ne vois pas la signalisation
propre au Camino, car elle doit partir du refuge, et je n'ai rien fait pour
rejoindre ce dernier, qui pourrait bien se trouver à l'autre bout de
l'agglomération.
On finit par m'indiquer une
route qui traverse un chantier, et qui se continue par une "carretera de piedras" et une "subida" (comprenez : une route en terre suivie d'une
côte), qui me mènera vers Burgos. Elle se perd un peu dans les collines, et les
vignobles, et comporte des croisements qui seront joués à pile ou face. J'ai
perdu une fois et me suis retrouvé dans une ferme vétérinaire.
Et, miracle, je retrouve les
flèches jaunes qui m'annoncent que je ne suis pas tout-à-fait perdu. J'atteins
une route goudronnée, où les marcheurs doivent garder le côté gauche. Le bitume
m'attire tant que je ne cherche plus du tout la suite du Camino, qui va
peut-être dévier dans la campagne à gauche, sans que je puisse le savoir, car
je roule à droite, comme tout le monde.
J'arrive ainsi dans un village
dont le nom me déçoit : ce n'est que Navarette, qui doit se trouver à 10 km de
Logroño, alors que je rame depuis près de 2 heures! Du coup je décide de
continuer sur la route, car je voudrais arriver pour la nuit à Santo Domingo de
la Calzada, une étape de 100 km.
Mais le vent debout, et les
bonnes montées sapent mon énergie, et lorsque la pluie s'y met, je décide de
faire halte à Najera. Je trouve les flèches jaunes qui m'amènent au refuge, un
vénérable bâtiment, dans un village ancien. Il n'est que 17 heures, des vélos
dehors, mais personne à la réception. Un pèlerin espagnol à l'air sérieux,
habillé en cycliste me dit qu'il faudra attendre 20 heures pour savoir si on
nous acceptera, nous les pestiférés, les pèlerins à vélo.
Voyant qu'il n'y a pas foule,
je finis par me choisir une couche et prendre une douche. Lorsque les hôtesses
arrivent, vers 19 heures, elles ne s'inquiètent même pas de savoir si on est "con bici" ou "peaton", ne faisant aucun cas
de la pancarte affichée. Elles demandent 500 pesetas (20 F) et nous donnent un
coup de tampon machinal sur le credencial.
Après avoir utilisé les
dernières forces de la batterie pour téléphoner à la maison, j'essaie de la
recharger, et, à force de titiller le fil du chargeur, ça démarre! Mais je
décide quand même de ne plus laisser l'appareil en veille.
Le refuge, près de l'église,
est adossé à une sorte de falaise de terre qui tombe dans le jardin mitoyen.
L'intérieur est tout en bois, ce qui ne m'étonne pas, Najera semblant être la
ville d'Espagne la plus spécialisée dans la fabrication des meubles. Certaines
usines datent d'avant-guerre et étalent leurs façades véritablement
monumentales le long de la nationale. La route est bordée pendant plusieurs
kilomètres de bâtiments consacrés à ce type d'industrie. Incroyable!
Un français d'une cinquantaine
d'années raconte qu'il a failli interrompre son voyage parce qu'il a été
dévalisé quelques jours plus tôt. En quittant le refuge, il s'aperçoit qu'il
n'a plus son porte-feuille, pourtant attaché. Il retourne au local et ne trouve
rien. Ses soupçons se portent aussitôt sur un drôle de pèlerin qui a dormi ici,
et qui n'est plus là, alors qu'il semblait profondément endormi quand lui-même
est parti, quelques minutes avant. Il n'a pas eu le temps de faire sa toilette,
de se restaurer éventuellement. Il s'est sauvé!
Mais comme il a dû, hier, montrer
son credencial, et qu'il a dit être parti de
Tarascon-en-Ariège, son nom a été retrouvé et communiqué à la police qui a pris
l'affaire à cœur. Ce curieux personnage faisait le Camino à l'envers, chose extrêmement rare de nos jours, et très
difficile, car les sentes et les chemins sont si nombreux que le flêchage, déjà
léger dans le "bon" sens, est impossible à remonter. Bref, le volé
est encore sous le choc, et a beaucoup de mal à se débrouiller sans carte de
crédit ni argent. Il est plein de reconnaissance pour une Australienne qui lui
a avancé 200 F, l'exhortant à ne pas abandonner.
Une publicité invite à rendre
visite au resto du coin, l'Olimpio, qui
fait un tarif spécial aux pèlerins. C'est minuscule, très sympathique, propre
et très bon. Le patron, un sosie de Bobby la Pointe, pose une bouteille de vin
de Rioja sur ma table en me disant que je paierai ce que j'aurai bu. Le vin et
les calamars à la plancha en particulier, seront délicieux. Prix du repas, tout
compris : 60 F.
La nuit sera réparatrice : je
n'ai entendu qu'un ronfleur, que quelqu'un est allé secouer, obtenant un
silence définitif et tout à fait propice…
Lundi 14 septembre : Najera-Burgos (95
km)
Ce matin, je n'ai plus rien à
manger, je prendrai le petit déjeuner dehors. Mais avant de partir, je m'offre
un café à la cuisine, où la coutume veut que les pèlerins laissent leurs
provisions en excès à la disposition de la communauté. Il y a là du café
instantané et, sur le réchaud, une marmite pleine d'eau chaude, avec une louche
qui trempe dedans. Préparation rapide et dégustation bien agréable.
Je dois être le dernier dans la
place, et arrime mes bagages dans un grand calme. Dehors, il pleut. Je suis les
flèches qui indiquent la direction de Santiago, espérant arriver sur la route
dans peu de temps. Manque de chance, elles mènent à un chemin boueux qui monte
sur une colline. Pas pour moi. Je fais demi-tour et repars vers le
centre-ville, pour trouver la grande route.
Pluie et montées. Pas très
enthousiasmant. Je suis réduit une fois à un petit 7 km/h, alors que la côte
n'est pas terrible, mais le vent oui. Mon fondement occupe toute mon attention,
je pédale en m'asseyant sur une cuisse, puis sur l'autre. Puis je décide de
compléter ma collation dans une station-service. La station-service constitue
la halte idéale : on est abrité de la pluie, pas besoin d'attacher le vélo, et
on trouve toujours quelque chose à grignoter à la boutique. Ce sera encore
chocolat à la machine et biscuits.
Un pèlerin, arrivé avant moi,
repart lorsque j'arrive. Il enfile son poncho et me demande de le lui rabattre
dans le dos, par dessus son sac. Puis il part sans hésiter dans la pluie.
La route de Burgos est très
fréquentée et les tourbillons causés par le passage des poids lourds me
bousculent quelque peu. Dans une côte, un car me double vite et près, et le
poncho se soulève et se rabat sur ma tête, m'aveuglant totalement. Je freine
dans le noir, et du coup, je fixe le poncho sur le sac de guidon, à l'aide d'une
courroie.
Deux cyclistes espagnols, vus à
l'auberge, me doublent dans le vent. Le second (celui d'hier soir) est dans la
roue de l'autre, je lui emboîte "le pas". Mais le voici qui se
mouche, boit, et laisse filer l'autre. Moi, je ne le lâche pas et je me régale
dans l'aspiration de son sillage pendant plusieurs kilomètres. Survient un
raidillon pour passer sur un pont. Mon ouvreur change de vitesses, déclenchant
un grincement inquiétant qui perdure malgré ses tentatives. Il appelle son
copain sans succès. Je lui propose de l'huile, mais il en a. Il s'arrête, alors
que j'accélère pour prévenir son compagnon, que je rattrape 2 ou 300 mètres
plus loin, et qui freine aussitôt. Je ne les reverrai qu'à Santiago, où ils
arrivent le même jour que moi.
Nous sommes à l'entrée de Santo
Domingo de la Calzada, nom venant de "l'ingénieur" Domingo, qui a
réalisé pas mal de travaux par ici, en particulier la chaussée (calzada). Il a été canonisé par la
suite. J'ai une photo de sa statue qui montre un barbu sympathique, et je
voudrais savoir si cette statue est ici. Il y a aussi cette incroyable
tradition qui consiste à conserver dans l'église, dans un poulailler suspendu
comme une panetière, un coq et une poule blancs, depuis le Moyen-Âge. Ils sont
bien là, et bien vivants, mais point de statue du père Domingo. Elle doit se trouver dans un musée, ou ailleurs.
Je flâne dans les vieilles
ruelles et fais mes courses au supermercado
du coin.
Je m'arrêterai plus loin pour
déjeuner, au chaud dans un abri d'autobus. Pour digérer, un col à 1150 m, le Puerto de la Pedraja, dans les Montes de Oca (Oca = Oie, Cygne, celui de la constellation). Puis des
vallonnements, et en finale, une invraisemblable ligne droite qui mène à
Burgos.
Je passe par la vieille ville
pour voir la belle cathédrale. Mais elle est tout emmaillotée, cachée par des
toiles plastiques et des échafaudages. Il ne pleut plus et les gens flânent
dans les ruelles.
Je retrouve des flèches qui me
conduisent à l'albergue, faite de plusieurs chalets de bois au fond d'un immense
parc. Le ciel est pur, l'air très léger et le soleil bien agréable. L'accueil est
sympathique, mais les châlits sont les uns contre les autres : presque pas de
place pour passer, il ne faut rien laisser dans les ruelles… Pas de garage non
plus pour le vélo, mais le vieil espagnol (gardien ?), qui habite à 20 mètres
de là, dans un maisonnette en dur, le mettra dans sa remise fermée à clef, pour
200 pesetas (8F).
Je m'attarde à la lessive dans
la prairie, au soleil, où l'eau, douce, coule sans arrêt, par des tuyaux
ouverts, sans robinets. On ne doit pas manquer d'eau par ici. Ce tableau idyllique est tempéré par une
pancarte aussi inquiétante que sibylline qui prévient qu'il faut faire
attention, car "on y lave des seringues"… Je n'ai pas de détails.
Le restaurant recommandé, qui
fait un menu "special
peregrinos", n'est pas très loin : il faut continuer dans le fond du
parc, sortir par une grille monumentale, rouillée en position ouverte, et
prendre à gauche. On atteint rapidement le Palas
del Rei, magnifique ouvrage, qui, vu le nombre d'étudiants qui y circulent,
semble avoir été transformé en bâtiment universitaire.
Le restaurant est un plus loin,
tout seul avant une sorte de no man's land. J'essaie de pousser la porte, en
bois massif et petits carreaux. C'est fermé, car il n'est pas encore 8 heures.
Mais le patron vient ouvrir et allume l'intérieur, qui apparaît dans toute sa
splendeur : une sorte de bar américain, sombre et dont les boiseries brillent
doucement. Des sculptures et des bas-reliefs dans du bois massif, le tout à
profusion. Un bar de château! La table où je suis installé doit peser 100 kg.
Je dînerai simplement mais
solidement. Le vin est bon, comme d'habitude, mais là, le menu ne comporte
qu'un verre. Mais il ne restera pas solitaire, ce verre-là. Prix du dîner :
moins de 40 F. Dans ce cadre, où viennent boire quelques hommes d'affaires, ce
prix modique paraît disproportionné, mais ne crachons pas ... dans la soupe.
Je rentre au refuge dans le
noir et passe devant des SDF qui s'installent pour la nuit au fond du parc,
dans la zone la plus sombre.
Au refuge, une dame dans la
quarantaine, avec un accent pied-noir, tient en haleine un groupe d'hommes de
toutes nationalités, qui paraissent fascinés par son débit. Elle parle de ses
problèmes avec les espagnols qu'elle trouve anti-français, et pour cela,
utilise alternativement le français et un espagnol qui me semble parfait,
traduisant les passages qui lui paraissent sans doute les plus importants.
C'est un spectacle! Au réveil, elle pérore encore, et j'apprends que c'est elle
qui a tapé sur le montant de la couchette du seul ronfleur de la nuit. Qui n'a
plus osé recommencer. Elle est habillée en "civil", et porte aux
pieds des chaussures légères. Elle dit sa tristesse d'arrêter son chemin ici,
mais je n'en connais pas la raison. Son dernier trajet de marcheuse sera pour
rejoindre la gare, où je lui souhaite in
petto de ne pas déclencher de réactions xénophobes, car elle est plutôt
sympathique.
Mardi 15 septembre : Burgos-Sahagun (138 km)
L'hôtesse d'hier est toujours
de service, et elle nous offre un café noir pour la route. Un temps de premier
matin du monde, une température de 12 à 15°. Tout cela fait penser à un jour de
mistral sans mistral.
Je suis les flèches jaunes qui
mènent tout le monde à la grand route. Lorsqu'elles bifurquent dans un chemin
de terre, je reste sur le bitume : on verra plus tard. La route monte gentiment
vers un petit col, et la vue est immense. Ça, c'est un col comme je les aime! Je
téléphone à Claude pour lui faire partager ce petit bonheur, mais le répondeur
reste de marbre. J'y rencontre deux pèlerins à vélo qui viennent
d'Aix-la-Chapelle. Je les reverrai demain matin sortir de l'hôtel qui se trouve
en face du refuge de Sahagun.
Je rejoins Castrojeriz, où
passe le Camino, et, influencé par les commentaires des guides, et aussi
parce que la route goudronnée fait des kilomètres en plus, je prends le chemin
des piétons. Au bout d'un ou deux kilomètres, le chemin se lance à l'assaut
d'une colline, dans une longue montée de pénitents. Je pousse le vélo, depuis
le bas jusqu'en haut, où se trouve une stèle, entourée d'offrandes (?) ou
d'ex-voto, faits d'empilements de cailloux.
Le plateau est presque aride
après tous ces champs de blé (fauchés). La descente est plus pentue et plus caillouteuse
que la montée, avec quelques belles marches, mais un peu d'acrobatie constitue
pour moi une bonne coupure. Il faut juste tenir compte des poids embarqués.
Le chemin devient route de
terre, et atteint une jolie aire de repos ombragée, avec une fontaine et un
abreuvoir, des tables de pierre, et même des barbecues. S'y trouve un vieil
espagnol à côté de sa bicyclette. Il me demande s'il y a beaucoup de pèlerins
sur le chemin, et regrette les mois d'été où il voyait passer des tas de gens," y mujeres tambien", (des femmes aussi) ajoute-t-il l'œil quelque
peu égrillard.
Comme je lui demande si le
village de Itero est loin, il me répond, en comptant ses doigts : "Dos…". J'ajoute "Kilometros
?", mais il n'est pas tout-à-fait d'accord, cherche cherche encore,
plissant le front sous l'effort. Enfin, il ajoute victorieusement : "Y… medio!". Habite-t-il loin
d'ici ? "Uno…" —
"Kilometro ?" — "No… Y… y medio!"
Un peu étonné de cette
recherche effrénée de précision spatiale, je le laisse espérer le passage de
belles étrangères aux jambes nues (esperar
est le mot qui convient parfaitement dans cette situation) et continue ma
route, non sans lui avoir demandé de me photographier, ce qu'il fait très bien.
Contrairement à ce que je craignais, je n'aurai pas un gros plan de sa
moustache, et le cliché sera parfaitement cadré.
Je continue sur le Camino, plat
et assez large pour des voitures. Il semble avoir été rénové récemment : il est
bien lisse, fait de graviers tassés. Mais avec mes petits pneus, ça saute quand
même un peu. Il devient monotone, mais il raccourcit vraiment la route, et on
n'y voit pas de voitures.
Avant d'atteindre Fromista, on
suit un canal, apparemment non navigable aujourd'hui, mais qui ressemble fort
au canal du Midi. Puis le chemin continue tout droit vers l'horizon plat de la
Castille.
Près de Ledigos, le Camino
reprend la route goudronnée, et lorsqu'il bifurque à gauche, je reste un moment
sans voir de flèches et prends un mauvais chemin qui m'amènera… dans un labour.
Pour ne pas refaire tout ce chemin en sens inverse, je continue, debout sur les
pédales, dans les mottes et les chaumes
et rejoins une route qui n'est pas sur ma carte et qui rallonge mon trajet. Ce
n'était pas la peine de chercher à le raccourcir, pour l'augmenter bêtement!
J'atteins Sahagun à 6 heures du
soir, un peu fatigué, tout de même après 138 km de voies variées.
Ici, le refuge s'appelle "albergue municipal" et se
trouve dans un volumineux bâtiment qui aurait pu être une église fortifiée
autrefois. Le hall majestueux comporte un mélange d'ancien et de moderne
(portes en verre, bois collé). On emprunte un extraordinaire escalier de bois
blond, pour se rendre au premier où se trouvent dortoir, cuisines, douches et "servicios"
(toilettes). La rampe de l'escalier est faite de bois collé, comme les couches
d'un sandwich américain. Toute la charpente est faite de la même manière et
repose solidement sur les murs du bâtiment ancien. Plancher et châlits, tables
et bancs, bois partout! Les lits superposés sont espacés et disposés dans des
sortes de boxes largement ouverts sur le couloir central. Matelas épais,
oreillers. Dommage que la douche soit froide.
Allongée sur une des couchettes les plus
proches de l'allée, une jeune pèlerine en culotte et T shirt, expose sans
retenue la plus grande partie de son anatomie.
Je descends vers la place
centrale de la ville, à la recherche d'un bar à tapas. Celui qui fait sa publicité dans le refuge est dans une
ruelle infâme et ne présente guère mieux que son environnement. Il y a
plusieurs brasseries autour de la place, sous les arcades. Publicité pour des
sandwiches, mais pas de tapas, ni
petits restaurants.
On m'indique le restaurant de
l'hôtel Alfonso VI, mais on n'y sert
pas avant 21 heures. Pas question de se coucher si tard! J'achète des bricoles
au supermercado, et aussi une bouteille d'excellent Rioja, dont je laisserai la moitié à la communauté.
(à suivre - si ça vous intéresse)