le blogadoch2

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samedi 2 février 2019

À vélo vers Compostelle 5...

Faudrait quand même pas s'endormir ! Il y a encore du chemin...



Dimanche 13 septembre : Estella-Najera (86 km)
    Le temps est toujours menaçant lorsque nous traversons, mon destrier et moi, le vieux quartier d'Estella, par la route, en direction de l'Ouest. Mais je crois que le chemin des piétons aurait été plus joli, par les ruelles et le bord de la rivière.
    Je repère bientôt les flèches jaunes du Camino qui traversent la route de droite à gauche, et qui se dirigent vers un chemin de terre, carrossable, qui monte derrière des bâtiments. Je le suis pour voir.
    Des pèlerins cyclistes aperçus au refuge, me dépassent et s'arrêtent un peu plus haut, devant une grande grille en fer forgé. J'avais complètement oublié la fontaine d'Irache : pourtant elle est célèbre sur le Camino. Ici, un producteur de vin a installé une double fontaine : deux têtes de lion en bronze crachent l'une de l'eau, l'autre du vin. Malheureusement toute dégustation nous sera refusée, les robinets sont fermés et les grilles sont tirées et cadenassées. Le dimanche, cela ouvre peut-être plus tard. Nous n'emporterons que des photos…
    Lorsqu'il n'y a pas de flèches, le chemin est signalé par des bornes légèrement trapézoïdales, comportant une faïence bleue et blanche représentant une coquille Saint-Jacques stylisée couchée sur le côté.

    Un peu plus loin, le chemin traverse à nouveau la route, et il est maintenant très engageant. Je ne tarde pas à rattraper le couple de "piétons" distingués qui dormaient par très loin de moi et qui s'inquiétaient de ma toux. Je trouve qu'ils ont bien marché.
    La piste large et lisse se transforme en sentier monotrace qui serpente entre les petits chênes : je me retrouve dans mon élément, et le petit bois en descente est traversé aisément debout sur les pédales.
    Mais le plaisir ne durera pas : je dois pousser le vélo dans des escaliers en montée, puis le long d'un champ sur une sente escarpée, heureusement longée par une haie de ronciers chargés de mûres délicieuses.
    Ce matin, j'avais mal plié mes affaires et les sandales ne trouvaient plus leur place dans le sac. C'est ainsi qu'elles furent amarrées, roulées dans leur poche de plastique blanc, sur le sac arrière. Maintenant, elles n'y sont plus et le sac ballote sous ses courroies détendues. J'ai perdu les chaussures dans les passages trialisants!
    Je décide de retourner sur mes pas. Le chemin étant assez fréquenté, je ne tarde pas à rencontrer un marcheur qui m'apprend que celui qui le suit a ramassé mon paquet et qu'il l'apporte. En effet, un grand type que j'avais dépassé arrive en chantonnant, le petit sac à la main. Il ne comprend pas ce que je lui dis en espagnol de cuisine, et me réponds en français. Il me tend le sac et m'assure qu'il ne faut pas que je me tracasse pour les remerciements : "Dieu me le rendra", dit-il en riant. Et il reprend son chemin et sa chanson.
    Je le rattraperai après avoir refait mon chargement, et lorsque je le complimente sur la distance déjà parcourue, il me dit qu'il a l'entraînement, parti depuis 3 mois de Belgique.
    Le sentier est plutôt pénible, longues montées, cailloux à perte de vue, et mes pneus qui ne sont pas adaptés. Je reprends la route dès que je la croise à nouveau, jusqu'à une station-service où je casse la croûte, pour me donner les forces nécessaires à vaincre ce sacré vent de face. Dur, dur.

    J'entre dans la ville de Logroño à 1 heure et demie, et commence la galère. Je dois trouver la route qui en sort, en direction de Burgos. Ça paraît simple, dit comme ça, mais je me retrouve encore une fois à l'entrée de l'autoroute. Et tous les gens interrogés m'y renvoient, même si je demande "la vieja carretera".  A croire qu'on l'a détruite.
    Je ne vois pas la signalisation propre au Camino, car elle doit partir du refuge, et je n'ai rien fait pour rejoindre ce dernier, qui pourrait bien se trouver à l'autre bout de l'agglomération.
    On finit par m'indiquer une route qui traverse un chantier, et qui se continue par une "carretera de piedras" et une "subida" (comprenez : une route en terre suivie d'une côte), qui me mènera vers Burgos. Elle se perd un peu dans les collines, et les vignobles, et comporte des croisements qui seront joués à pile ou face. J'ai perdu une fois et me suis retrouvé dans une ferme vétérinaire.
    Et, miracle, je retrouve les flèches jaunes qui m'annoncent que je ne suis pas tout-à-fait perdu. J'atteins une route goudronnée, où les marcheurs doivent garder le côté gauche. Le bitume m'attire tant que je ne cherche plus du tout la suite du Camino, qui va peut-être dévier dans la campagne à gauche, sans que je puisse le savoir, car je roule à droite, comme tout le monde.
    J'arrive ainsi dans un village dont le nom me déçoit : ce n'est que Navarette, qui doit se trouver à 10 km de Logroño, alors que je rame depuis près de 2 heures! Du coup je décide de continuer sur la route, car je voudrais arriver pour la nuit à Santo Domingo de la Calzada, une étape de 100 km.
    Mais le vent debout, et les bonnes montées sapent mon énergie, et lorsque la pluie s'y met, je décide de faire halte à Najera. Je trouve les flèches jaunes qui m'amènent au refuge, un vénérable bâtiment, dans un village ancien. Il n'est que 17 heures, des vélos dehors, mais personne à la réception. Un pèlerin espagnol à l'air sérieux, habillé en cycliste me dit qu'il faudra attendre 20 heures pour savoir si on nous acceptera, nous les pestiférés, les pèlerins à vélo.
    Voyant qu'il n'y a pas foule, je finis par me choisir une couche et prendre une douche. Lorsque les hôtesses arrivent, vers 19 heures, elles ne s'inquiètent même pas de savoir si on est "con bici" ou "peaton", ne faisant aucun cas de la pancarte affichée. Elles demandent 500 pesetas (20 F) et nous donnent un coup de tampon machinal sur le credencial.
    Après avoir utilisé les dernières forces de la batterie pour téléphoner à la maison, j'essaie de la recharger, et, à force de titiller le fil du chargeur, ça démarre! Mais je décide quand même de ne plus laisser l'appareil en veille.
    Le refuge, près de l'église, est adossé à une sorte de falaise de terre qui tombe dans le jardin mitoyen. L'intérieur est tout en bois, ce qui ne m'étonne pas, Najera semblant être la ville d'Espagne la plus spécialisée dans la fabrication des meubles. Certaines usines datent d'avant-guerre et étalent leurs façades véritablement monumentales le long de la nationale. La route est bordée pendant plusieurs kilomètres de bâtiments consacrés à ce type d'industrie. Incroyable!

    Un français d'une cinquantaine d'années raconte qu'il a failli interrompre son voyage parce qu'il a été dévalisé quelques jours plus tôt. En quittant le refuge, il s'aperçoit qu'il n'a plus son porte-feuille, pourtant attaché. Il retourne au local et ne trouve rien. Ses soupçons se portent aussitôt sur un drôle de pèlerin qui a dormi ici, et qui n'est plus là, alors qu'il semblait profondément endormi quand lui-même est parti, quelques minutes avant. Il n'a pas eu le temps de faire sa toilette, de se restaurer éventuellement. Il s'est sauvé!  Mais comme il a dû, hier,  montrer son credencial,  et qu'il a dit être parti de Tarascon-en-Ariège, son nom a été retrouvé et communiqué à la police qui a pris l'affaire à cœur. Ce curieux personnage faisait le Camino à l'envers, chose extrêmement rare de nos jours, et très difficile, car les sentes et les chemins sont si nombreux que le flêchage, déjà léger dans le "bon" sens, est impossible à remonter. Bref, le volé est encore sous le choc, et a beaucoup de mal à se débrouiller sans carte de crédit ni argent. Il est plein de reconnaissance pour une Australienne qui lui a avancé 200 F, l'exhortant à ne pas abandonner.

    Une publicité invite à rendre visite au resto du coin, l'Olimpio, qui fait un tarif spécial aux pèlerins. C'est minuscule, très sympathique, propre et très bon. Le patron, un sosie de Bobby la Pointe, pose une bouteille de vin de Rioja sur ma table en me disant que je paierai ce que j'aurai bu. Le vin et les calamars à la plancha en particulier, seront délicieux. Prix du repas, tout compris : 60 F.
    La nuit sera réparatrice : je n'ai entendu qu'un ronfleur, que quelqu'un est allé secouer, obtenant un silence définitif et tout à fait propice…


Lundi 14 septembre : Najera-Burgos (95 km)
    Ce matin, je n'ai plus rien à manger, je prendrai le petit déjeuner dehors. Mais avant de partir, je m'offre un café à la cuisine, où la coutume veut que les pèlerins laissent leurs provisions en excès à la disposition de la communauté. Il y a là du café instantané et, sur le réchaud, une marmite pleine d'eau chaude, avec une louche qui trempe dedans. Préparation rapide et dégustation bien agréable.
    Je dois être le dernier dans la place, et arrime mes bagages dans un grand calme. Dehors, il pleut. Je suis les flèches qui indiquent la direction de Santiago, espérant arriver sur la route dans peu de temps. Manque de chance, elles mènent à un chemin boueux qui monte sur une colline. Pas pour moi. Je fais demi-tour et repars vers le centre-ville, pour trouver la grande route.

    Pluie et montées. Pas très enthousiasmant. Je suis réduit une fois à un petit 7 km/h, alors que la côte n'est pas terrible, mais le vent oui. Mon fondement occupe toute mon attention, je pédale en m'asseyant sur une cuisse, puis sur l'autre. Puis je décide de compléter ma collation dans une station-service. La station-service constitue la halte idéale : on est abrité de la pluie, pas besoin d'attacher le vélo, et on trouve toujours quelque chose à grignoter à la boutique. Ce sera encore chocolat à la machine et biscuits.
    Un pèlerin, arrivé avant moi, repart lorsque j'arrive. Il enfile son poncho et me demande de le lui rabattre dans le dos, par dessus son sac. Puis il part sans hésiter dans la pluie.
    La route de Burgos est très fréquentée et les tourbillons causés par le passage des poids lourds me bousculent quelque peu. Dans une côte, un car me double vite et près, et le poncho se soulève et se rabat sur ma tête, m'aveuglant totalement. Je freine dans le noir, et du coup, je fixe le poncho sur le sac de guidon, à l'aide d'une courroie.
Deux cyclistes espagnols, vus à l'auberge, me doublent dans le vent. Le second (celui d'hier soir) est dans la roue de l'autre, je lui emboîte "le pas". Mais le voici qui se mouche, boit, et laisse filer l'autre. Moi, je ne le lâche pas et je me régale dans l'aspiration de son sillage pendant plusieurs kilomètres. Survient un raidillon pour passer sur un pont. Mon ouvreur change de vitesses, déclenchant un grincement inquiétant qui perdure malgré ses tentatives. Il appelle son copain sans succès. Je lui propose de l'huile, mais il en a. Il s'arrête, alors que j'accélère pour prévenir son compagnon, que je rattrape 2 ou 300 mètres plus loin, et qui freine aussitôt. Je ne les reverrai qu'à Santiago, où ils arrivent le même jour que moi.

    Nous sommes à l'entrée de Santo Domingo de la Calzada, nom venant de "l'ingénieur" Domingo, qui a réalisé pas mal de travaux par ici, en particulier la chaussée (calzada). Il a été canonisé par la suite. J'ai une photo de sa statue qui montre un barbu sympathique, et je voudrais savoir si cette statue est ici. Il y a aussi cette incroyable tradition qui consiste à conserver dans l'église, dans un poulailler suspendu comme une panetière, un coq et une poule blancs, depuis le Moyen-Âge. Ils sont bien là, et bien vivants, mais point de statue du père Domingo.  Elle doit se trouver dans un musée, ou ailleurs.
    Je flâne dans les vieilles ruelles et fais mes courses au supermercado du coin.
   Je m'arrêterai plus loin pour déjeuner, au chaud dans un abri d'autobus. Pour digérer, un col à 1150 m, le Puerto de la Pedraja, dans les Montes de Oca (Oca = Oie, Cygne, celui de la constellation). Puis des vallonnements, et en finale, une invraisemblable ligne droite qui mène à Burgos.
    Je passe par la vieille ville pour voir la belle cathédrale. Mais elle est tout emmaillotée, cachée par des toiles plastiques et des échafaudages. Il ne pleut plus et les gens flânent dans les ruelles.
    Je retrouve des flèches qui me conduisent à l'albergue, faite de plusieurs chalets de bois au fond d'un immense parc. Le ciel est pur, l'air très léger et le soleil bien agréable. L'accueil est sympathique, mais les châlits sont les uns contre les autres : presque pas de place pour passer, il ne faut rien laisser dans les ruelles… Pas de garage non plus pour le vélo, mais le vieil espagnol (gardien ?), qui habite à 20 mètres de là, dans un maisonnette en dur, le mettra dans sa remise fermée à clef, pour 200 pesetas (8F).

    Je m'attarde à la lessive dans la prairie, au soleil, où l'eau, douce, coule sans arrêt, par des tuyaux ouverts, sans robinets. On ne doit pas manquer d'eau par ici.  Ce tableau idyllique est tempéré par une pancarte aussi inquiétante que sibylline qui prévient qu'il faut faire attention, car "on y lave des seringues"… Je n'ai pas de détails.
    Le restaurant recommandé, qui fait un menu "special peregrinos", n'est pas très loin : il faut continuer dans le fond du parc, sortir par une grille monumentale, rouillée en position ouverte, et prendre à gauche. On atteint rapidement le Palas del Rei, magnifique ouvrage, qui, vu le nombre d'étudiants qui y circulent, semble avoir été transformé en bâtiment universitaire.
    Le restaurant est un plus loin, tout seul avant une sorte de no man's land. J'essaie de pousser la porte, en bois massif et petits carreaux. C'est fermé, car il n'est pas encore 8 heures. Mais le patron vient ouvrir et allume l'intérieur, qui apparaît dans toute sa splendeur : une sorte de bar américain, sombre et dont les boiseries brillent doucement. Des sculptures et des bas-reliefs dans du bois massif, le tout à profusion. Un bar de château! La table où je suis installé doit peser 100 kg.
    Je dînerai simplement mais solidement. Le vin est bon, comme d'habitude, mais là, le menu ne comporte qu'un verre. Mais il ne restera pas solitaire, ce verre-là. Prix du dîner : moins de 40 F. Dans ce cadre, où viennent boire quelques hommes d'affaires, ce prix modique paraît disproportionné, mais ne crachons pas ... dans la soupe.
    Je rentre au refuge dans le noir et passe devant des SDF qui s'installent pour la nuit au fond du parc, dans la zone la plus sombre.

    Au refuge, une dame dans la quarantaine, avec un accent pied-noir, tient en haleine un groupe d'hommes de toutes nationalités, qui paraissent fascinés par son débit. Elle parle de ses problèmes avec les espagnols qu'elle trouve anti-français, et pour cela, utilise alternativement le français et un espagnol qui me semble parfait, traduisant les passages qui lui paraissent sans doute les plus importants. C'est un spectacle! Au réveil, elle pérore encore, et j'apprends que c'est elle qui a tapé sur le montant de la couchette du seul ronfleur de la nuit. Qui n'a plus osé recommencer. Elle est habillée en "civil", et porte aux pieds des chaussures légères. Elle dit sa tristesse d'arrêter son chemin ici, mais je n'en connais pas la raison. Son dernier trajet de marcheuse sera pour rejoindre la gare, où je lui souhaite in petto de ne pas déclencher de réactions xénophobes, car elle est plutôt sympathique. 


Mardi 15 septembre : Burgos-Sahagun (138 km)
    L'hôtesse d'hier est toujours de service, et elle nous offre un café noir pour la route. Un temps de premier matin du monde, une température de 12 à 15°. Tout cela fait penser à un jour de mistral sans mistral.
    Je suis les flèches jaunes qui mènent tout le monde à la grand route. Lorsqu'elles bifurquent dans un chemin de terre, je reste sur le bitume : on verra plus tard. La route monte gentiment vers un petit col, et la vue est immense. Ça, c'est un col comme je les aime! Je téléphone à Claude pour lui faire partager ce petit bonheur, mais le répondeur reste de marbre. J'y rencontre deux pèlerins à vélo qui viennent d'Aix-la-Chapelle. Je les reverrai demain matin sortir de l'hôtel qui se trouve en face du refuge de Sahagun.
    Je rejoins Castrojeriz, où passe le Camino, et, influencé par les commentaires des guides, et aussi parce que la route goudronnée fait des kilomètres en plus, je prends le chemin des piétons. Au bout d'un ou deux kilomètres, le chemin se lance à l'assaut d'une colline, dans une longue montée de pénitents. Je pousse le vélo, depuis le bas jusqu'en haut, où se trouve une stèle, entourée d'offrandes (?) ou d'ex-voto, faits d'empilements de cailloux. 

    Le plateau est presque aride après tous ces champs de blé (fauchés). La descente est plus pentue et plus caillouteuse que la montée, avec quelques belles marches, mais un peu d'acrobatie constitue pour moi une bonne coupure. Il faut juste tenir compte des poids embarqués.
    Le chemin devient route de terre, et atteint une jolie aire de repos ombragée, avec une fontaine et un abreuvoir, des tables de pierre, et même des barbecues. S'y trouve un vieil espagnol à côté de sa bicyclette. Il me demande s'il y a beaucoup de pèlerins sur le chemin, et regrette les mois d'été où il voyait passer des tas de gens," y mujeres tambien",  (des femmes aussi) ajoute-t-il l'œil quelque peu égrillard.
    Comme je lui demande si le village de Itero est loin, il me répond, en comptant ses doigts : "Dos…".  J'ajoute "Kilometros ?", mais il n'est pas tout-à-fait d'accord, cherche cherche encore, plissant le front sous l'effort. Enfin, il ajoute victorieusement : "Y… medio!". Habite-t-il loin d'ici ? "Uno…" — "Kilometro ?" — "No… Y… y medio!"
    Un peu étonné de cette recherche effrénée de précision spatiale, je le laisse espérer le passage de belles étrangères aux jambes nues (esperar est le mot qui convient parfaitement dans cette situation) et continue ma route, non sans lui avoir demandé de me photographier, ce qu'il fait très bien. Contrairement à ce que je craignais, je n'aurai pas un gros plan de sa moustache, et le cliché sera parfaitement cadré.

    Je continue sur le Camino, plat et assez large pour des voitures. Il semble avoir été rénové récemment : il est bien lisse, fait de graviers tassés. Mais avec mes petits pneus, ça saute quand même un peu. Il devient monotone, mais il raccourcit vraiment la route, et on n'y voit pas de voitures.
    Avant d'atteindre Fromista, on suit un canal, apparemment non navigable aujourd'hui, mais qui ressemble fort au canal du Midi. Puis le chemin continue tout droit vers l'horizon plat de la Castille.
    Près de Ledigos, le Camino reprend la route goudronnée, et lorsqu'il bifurque à gauche, je reste un moment sans voir de flèches et prends un mauvais chemin qui m'amènera… dans un labour. Pour ne pas refaire tout ce chemin en sens inverse, je continue, debout sur les pédales,  dans les mottes et les chaumes et rejoins une route qui n'est pas sur ma carte et qui rallonge mon trajet. Ce n'était pas la peine de chercher à le raccourcir, pour l'augmenter bêtement!
    J'atteins Sahagun à 6 heures du soir, un peu fatigué, tout de même après 138 km de voies variées.

    Ici, le refuge s'appelle "albergue municipal" et se trouve dans un volumineux bâtiment qui aurait pu être une église fortifiée autrefois. Le hall majestueux comporte un mélange d'ancien et de moderne (portes en verre, bois collé). On emprunte un extraordinaire escalier de bois blond, pour se rendre au premier où se trouvent dortoir, cuisines, douches  et "servicios" (toilettes). La rampe de l'escalier est faite de bois collé, comme les couches d'un sandwich américain. Toute la charpente est faite de la même manière et repose solidement sur les murs du bâtiment ancien. Plancher et châlits, tables et bancs, bois partout! Les lits superposés sont espacés et disposés dans des sortes de boxes largement ouverts sur le couloir central. Matelas épais, oreillers. Dommage que la douche soit froide.
    Allongée sur une des couchettes les plus proches de l'allée, une jeune pèlerine en culotte et T shirt, expose sans retenue la plus grande partie de son anatomie.
    Je descends vers la place centrale de la ville, à la recherche d'un bar à tapas. Celui qui fait sa publicité dans le refuge est dans une ruelle infâme et ne présente guère mieux que son environnement. Il y a plusieurs brasseries autour de la place, sous les arcades. Publicité pour des sandwiches, mais pas de tapas, ni petits restaurants.
    On m'indique le restaurant de l'hôtel Alfonso VI, mais on n'y sert pas avant 21 heures. Pas question de se coucher si tard! J'achète des bricoles au supermercado, et aussi une bouteille d'excellent Rioja, dont je laisserai la moitié à la communauté.


(à suivre - si ça vous intéresse)