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lundi 19 décembre 2016

Le compresseur, la goutte, et le Justicier...


Une nouvelle tirée de la vraie vie…


Le compresseur

Autrefois, la trousse à outils d’une automobile était fort volumineuse, et comportait un nécessaire de réparation des chambres à air (généralement une boîte orangée portant le nom de Rustine), et bien sûr une pompe. La sollicitude du destin pour les chauffeurs d’aujourd’hui, et la qualité des pneus et des routes actuelles, font que certains constructeurs livrent leurs autos sans complexe et sans roue de secours, avec cependant, un mini-compresseur dont l’utilité reste discutable en l’absence de réparation.

La mienne, d’auto, est dotée d’une de ces petites roues de secours qui n’osent plus s’appeler que par le nom d’une fade pâtisserie aplatie. Aussi pour éviter de rouler au ralenti dans le cas où l’usage de cette galette me serait imposé par une crevaison, j’ai récemment fait l’achat d’un mini-compresseur, fonctionnant sur 12 volts. Le but étant d’offrir à la roue crevée (mais réparée à l’aide d’une mèche collante, technique que je maîtrise bien), un peu plus de bon air que n’en offre la cartouche de gaz jointe au nécessaire habituel.

Je dois préciser que la prise de possession de ce moderne instrument* fut assez rocambolesque, et qu’elle fera peut-être l’objet d’une chronique spéciale**, mais là n’est pas le sujet. Me voici donc, contraint par des circonstances inévitables, de prendre la route pour un périple de plus de 2000 kilomètres. Et, pour la première fois donc, au volant d’une auto équipée d’un compresseur d’air. Un accessoire dont je m’étais fort bien passé pendant plus de soixante ans de conduite.



La goutte

La crise de goutte, comme chacun le sait, est une arthrite très douloureuse, provoquée par l’accumulation de micro-cristaux d’acide urique dans une articulation. Sans doute pour des raisons liées à la gravité (celle de Newton, pas celle d’Esculape), ces dépôts se font dans une des zones les plus basses du corps : le gros orteil. Enfin, l’un des deux. Et c’est bien suffisant.

Cette pathologie n’inspire pas la compassion, car personne n’est porté à plaindre un amateur de bonne chère et de bons alcools. Je précise cependant que ma première crise d’uricémie me frappa alors que je n’avais pas atteint la trentaine. Une déficience physiologique innée, peut-être.

Bref, au cours de ce voyage, les choses firent que ma démarche claudicante s’accentua au rythme de celles qui m’étaient imposées, et la douleur de plus en plus importante me conduisis un soir à une extrémité à laquelle je ne m’étais encore jamais laissé aller : le parking de l’hôtel était plein, à cette heure tardive de la nuit. Sauf que quatre grandes et généreuses places pour handicapés me tendaient leurs lignes bleues, à 3 mètres de l’entrée. Et puis n'étais-je pas un handicapé transitoire ?

Subodorant le peu de risque de voir arriver une cohorte de GIG ou de GIC, à cette heure tardive, je glissais avec soulagement mon véhicule dans un rectangle fort accueillant, sans me douter que le Justicier allait faire sa ronde



Le Justicier

C’est au matin que je pris conscience que pendant que vous dormez, braves gens, il y a des héros qui veillent. Celui-ci, très consciencieux, qui voulait me punir de mon audace, avait choisi deux des roues de mon auto, en diagonale, peut-être pour respecter un équilibre pondéral ou esthétique, et les avait proprement diminuées en hauteur. 
Et lorsque l’on voit la jante en contact avec le bitume, ce n’est pas de la compréhension qu’on éprouve à l’égard du responsable de cet état de fait. On retrouve plutôt, et avec facilité, une litanie de jurons que l’on pensait oubliés sous une pile d’efforts polis.

J’ai réalisé alors qu’un bon coup de compresseur (quelle chance de l’avoir !), me permettrait de rejoindre le garage le plus proche pour faire procéder aux réparations, jusqu’à ce que je m’aperçoive que le justicier n’était pas allé aussi loin que je le pensais dans son geste vengeur, sinon, il n’aurait pas déposé les bouchons de valve sur un relief de la jante.

Et c’est ainsi que, bercé par les crachotements maladifs du petit moteur, je vis la partie basse de mes roues reprendre forme peu à peu, à mon grand soulagement.

La réceptionniste de l’hôtel eut la politesse de s’étonner de ma mésaventure, en me montrant sans état d’âme, son auto, voisine de la mienne, occupant une des dernières places pour handicapés, à 8 heures du matin.

Je persiste à penser que le Justicier a encore du blé à moudre, s’il veut établir un code de bonne conduite dans sa ville, car sur un parking voisin complet, nous avions, la veille assisté à une scène étonnante : le conducteur d’une grosse allemande s’arrête au niveau d’une camionnette garée en biais sur deux places de parking. Quittant son auto, il range correctement la fourgonnette, et gare la berline sur la place libérée.

Nous vivons une époque merveilleuse.



*Environ 18€ chez Lidl.
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