le blogadoch2

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mardi 28 avril 2020

Confinement ou liberté prochaine?

Est-on vraiment confiné lorsqu'on vit à la campagne?

En tous cas, on y possède de facto la possibilité d'admirer et de côtoyer la nature, qui est bien belle en ce moment. 
Voici, par exemple, ce qu'on peut voir en se promenant dans mon modeste "champ" :


Pivoines

Iris

Fleurs des champs...

...que je n'ai pas osé faucher (à la faux de paysan), en pensant aux pauvres abeilles survivantes. 

 Un agave adepte des piercings...

Des coquelicots qui semblent se plaire en un endroit où il n'y en avait jamais eu. Jusqu'à ce que je sème des graines l'an dernier, à la volée. Apparemment, les fourmis ne les ont pas toutes trouvées... 


 Un acacia en fleurs (Humm! les beignets!)


Seringa




 Le calme relatif sur les routes environnantes, dû au confinement, a certainement rassuré ce mignon visiteur, qui a déjeuné en même temps que nous, à 10 mètres, dans un pin. 
Ce fut un agréable moment, marqué par les petits bruits de grignotement, car nous n'avions plus vu d'écureuils depuis des années.




En une demi-heure, il a fait une pluie d'écailles de pommes de pin, n'en laissant généralement que les trognons. Il en a déchiqueté une bonne douzaine.
Espérons qu'il reviendra nous voir...

Ainsi se termine ce mini-reportage, que je dédie en particulier aux lecteurs qui se sentent prisonniers dans un appartement sans horizon, afin qu'ils ne désespèrent pas devant ces images d'une ruralité simple et calme, sans autres apparats que son habit naturel. 

Nous avons tous au fond de nous l'assurance de la liberté bientôt retrouvée, parce que nous avons la dignité de respecter une mesure transitoire, qui nous aide à vivre, et surtout à survivre à cette période mauvaise.

Une situation qui ne manque pas de faire penser à ce que fait dire à l'un de ses héros, le grand Jules Verne :

"La liberté est un bien immense, mais qu'on ne peut goûter qu'à la condition de vivre". 
Jules Verne
Les naufragés du "Jonathan"

lundi 20 avril 2020

Le tournevis rouge

Les amateurs d’Alpine sont nombreux à rêver de la berlinette, un de ces rêves automobiles, récurrent chez garçons, un rêve qui date parfois de cette période pendant laquelle se disputèrent les rallyes épiques qui virent des équipages prestigieux la mener plus d’une fois à la victoire.

Certains ont pu réaliser leur fantasme et s’offrir cet extraordinaire jouet. Et s’il était en mauvais état, le temps de la restauration, quelque fois long, ou très long, leur avait permis d’en échelonner les dépenses.
Félix, lui, avait toujours été attiré par la A310, plus tardive, plus grosse, plus moderne, et à la ligne totalement différente. Mais qui ne manque pas de charme, particulièrement dans la version “Pack“, où ses élargisseurs d’ailes lui donnent une allure encore plus méchante. Et la motorisation qu’il préférait était celle qui utilisait le bon 6 cylindres bien connu.
Malheureusement, ses charges de famille asséchaient régulièrement ses modestes revenus, et il ne voyait jamais arriver le moment où son pécule serait capable d’assurer ce genre de superflu, en plus du nécessaire. 

Pour satisfaire une partie de ses rêves, il tentait de partager les joies et les peines des membres du plus réputé des forums dédiés à cette marque. La rubrique A310 V6 l’intéressait particulièrement, et il y suivait les péripéties des heureux possesseurs de ces autos. Il partageait leurs joies et compatissait devant leurs problèmes, en tâchant d’en tirer un peu d’expérience, au passage.
Il était, en particulier, à l’affût des messages d’un des forumers qui passait beaucoup de temps à mécaniquer sur sa 310 blanche, tout en faisant profiter la communauté de son vécu, dans un style généreux où ne manquaient ni les preuves de sa culture ni l'assaisonnement de l’humour. Il s’appelait Pierre Sizaire, mais signait P6R, un pseudo dans le style “services secrets“.
Cette fois, sur le forum, il était question de la tendance de certains objets à disparaître mystérieusement, et à chacun de raconter ses pertes ou ses découvertes. Et si l’on souriait devant l’énervement du perdeur, on s’extasiait en chœur de la réapparition après des années d’absence, d’une clé de 10 retrouvée dans un recoin, même pas rouillée.  
P6R, lui, revenait régulièrement sur la disparition de son tournevis préféré, un tournevis rouge — un vrai, aux normes JIS, pas un Philips quelconque — au point que cela devint un buzz parmi la communauté du forum. Quelques dizaines de messages plus tard, le post de P6R aborda d’autres sujets, et on finit par oublier un peu l’incident du tournevis, qui fut ensuite totalement occulté par un véritable drame, cette fois : le garage avait été fracturé et l’Alpine de P6R avait disparu.
On imagine le bruit que fit cette nouvelle sur le forum, et la masse de messages qu’elle engendra :
             On va la trouver en pièces détachées sur le Coin, c’est sûr !
             Elle doit déjà être en Europe de l’Est !
             C’est sûrement le coup d’un mec qui a une carte grise orpheline !
             

Les mois passèrent, et petit-à-petit, comme toute chose, l’affaire de ce vol passa au second plan. Sauf pour son propriétaire qui, chaque fois que l’occasion s’en présentait, mettait en garde contre des achats de pièces détachées chez des personnes inconnues.

Quelques temps plus tard, notre Félix, victime heureuse et récente d’une embellie dans ses finances, tomba sur l’annonce de la mise en vente d’une épave de A310, dans ses prix, et avec suffisamment de côtés positifs pour qu’il s’y intéresse fiévreusement. L’inconvénient majeur de cette occasion concernait un détail qui lui parut secondaire étant donné le tarif modeste demandé : elle n’avait pas de moteur.
            Mais qu’à cela ne tienne : un moteur ça se trouve, et entre les Volvo, les Peugeot et les Renault qui en ont bénéficié, il doit bien en exister quelques-uns de disponibles, non ?
Il semblait que ce questionnement ne fut qu’une formule de style, car Félix était bien décidé à succomber, et il ne tarda pas à se retrouver propriétaire d’une A310 V6, amputée de son V6 mais avec un lot de potentialités encourageantes.

Sa quête de moteur à un prix en rapport avec ses capacités financières, fut longue. Elle prit fin lorsqu’il apprit qu’un petit garage de province, pas du tout spécialisé dans les Alpine, mettait en vente un moteur PRV, qui avait justement équipé une A310.
Renseignements pris, l’engin venait, paraît-il, de chez un vieux monsieur, qui avait ce moteur dans sa “grange“, car l’auto qui était autour auparavant avait brûlé, quelques décennies plus tôt. Contraint, par son grand âge, sa situation familiale, et son état de santé, de rejoindre l’EHPAD le plus proche, il avait demandé au notaire de vendre sa maison, et au mécanicien de se charger du moteur.
             Méfie-toi, Félix, lui répétait-on sur le forum, il s’agit peut-être d’un moteur issu d’un vol.
             Mais, non, mais non, le gars m’a assuré que c’est une affaire propre. Et surtout, c’est dans mes prix, et il est équipé de tous ses accessoires, alors je ne vais pas laisser passer ce coup. Cette fois je vois le bout du tunnel.
             Félix, fais attention quand même, on ne sait jamais !
             Vous êtes tous très sympa, mais cette fois, c’est tout bon, je fonce !

P6R ne fut pas le dernier à l’avertir encore, mais en vain.

Les semaines passèrent, puis un jour, le moteur, apporté par un transporteur spécialisé fut déposé à côté de la caisse dans le garage de Félix. Ce dernier ne manqua pas de l’examiner d’un œil un curieux :
             C’est vachement gros finalement cet engin, et quel fouillis ! 
Un filtre à air “grand comme une meule de Brie“, des fils électriques dans tous les sens, des durites de toutes les tailles qui, pour certaines se terminent dans le vide, attendant d’être connectées. Sous le chapeau du filtre à air, les fameux carbus dépareillés trônaient, comme un centre vital de cette mécanique à l’apparence si complexe.
             En tous cas, j’ai de la chance, il n’a pas été touché par l’incendie apparemment ! Et il est propre pour avoir passé des années dans un recoin…
Il s’approcha encore et fit connaissance avec l’anatomie particulière de la culasse en V :
             Ben, oui, bien sûr, c’est un moteur en V !
Tiens, c’est marrant ce creux profond entre les deux culasses, un vrai abîme !
Faut rien laisser tomber là-ded… Mais, mais il y a un truc, là, au fond !
Les jambes soudain flageolantes, il se laissa tomber sur une pile de pneus, hagard.  Un long moment plus tard, d’un geste lent, comme à regret, il ouvrit son smartphone :
             Pierre… euh… j’ai…  j’ai trouvé… ton tournevis rouge.





Pour Patrick, en guise de déconfinement transitoire…
D.





dimanche 19 avril 2020

Un magnifique dessin contre le virus, sous vos yeux...

Si l'on s'intéresse tant soit peu au dessin, on ne peut ignorer Kim Jung Ji, ce phénomène coréen. Il dessine de façon parfaite sans aucune préparation et sans documentation. Il sait retranscrire d'une main sûre et délicate les objets les plus complexes, dans des perspectives magnifiques. Sa main se déplace comme la pointe active d'une machine de réalisation numérique, sans aucune hésitation.

Voici son avis sur le sort à réserver au Covid 19. 

Il a fait ce dessin le 25 mars dernier, sous les yeux éblouis de quelques spectateurs, comme vous pouvez le voir en intégralité ici .

Voici une image montrant le dessin à la moitié du parcours :



Par ces temps de confinement, si vous ne savez pas comment vous occuper, admirez cet être diabolique au travail, appréciez les détails, la construction sans faille, la légèreté du pinceau, la perfection du rendu... Ça vous occupera pendant 2 heures!
Mais protégez votre clavier, si vous êtes comme moi, vous allez baver de jalousie!

Et, chose stupéfiante lorsqu'on sait combien un dessin de création complexe comme celui-ci occupe les fonctions cérébrales de l'individu, de voir que l'artiste papote et plaisante sans arrêt. Ce qui montre qu'il utilise simultanément son cerveau gauche, celui qui maîtrise le langage, la pensée constructive pour parler et écouter, et son cerveau droit, celui de l'espace, celui du dessin*. Sous son crâne lisse, ça doit bouillir !

*Pour bien comprendre ce dont je veux parler, vous pouvez lire mon article :
Dessiner avec son cerveau droit, inspiré des travaux de la généreuse Betty Edwards.


jeudi 9 avril 2020

Une Alpine pour faire chanter...


L'achat d'une nouvelle auto pose toujours des problèmes au sein d'un couple. S'il s'agit d'une voiture utilitaire, les discussions sont sans fin sur le type, la marque, la taille, la couleur. Et lorsque la voiture convoitée fait partie des jouets pour adultes, comme le sont les sportives, les obstacles sont différents et se résument souvent à une seule interrogation :
— Est-ce bien raisonnable?
Dans cette nouvelle, les événements vont montrer un aspect inattendu du projet, qui tourne autour du chantage.

*

 Encore des catalogues sur la nouvelle Alpine ! Non ! Non ! Non ! Il n’en est pas question ! Il ne va pas me refaire le coup ! Il y avait trop longtemps, tiens ! D’abord l’Alfa Roméo, puis la Mégane RS, après ça la BM gonflée par je ne sais quel sorcier de la mécanique, un barbu, je crois. Et maintenant, cette nouvelle Alpine ! Non ! J’en ai assez, cette fois, c’est NON ! Pas question!
Dans sa colère et son indignation, elle ne se rendait pas compte qu’elle pensait tout haut, tout en mettant une dernière touche au rangement de la maison qu’ils habitaient depuis une dizaine d’années dans une banlieue bien fréquentée de la capitale.
La petite quarantaine d’années passées avaient laissé quelques marques sur son visage énergique aux traits fins. Les petites rides autour des yeux n’enlevaient rien de leur luminosité bleutée. Sa silhouette, qu’on devinait élégante, n’était, pour l’instant, pas mise en valeur par sa tenue de ménagère.
     — Monsieur ne pense qu’à son travail, et ses jouets. Et moi j’essaie de me passer le plus possible de femme de ménage. Il ne se rend pas compte ! Mettre tout cet argent dans un machin à quatre roues, juste pour le plaisir, alors que la maison n’est pas encore tout-à-fait à nous, et que notre avenir n’est pas forcément assuré. Par les temps qui courent…

De son côté, amateur de belles autos, et particulièrement de sportives, il rêvait de cette nouvelle berlinette, dont on dit tant de bien. Belle, légère, suffisamment puissante, digne héritière des qualités de son ainée… En somme, une auto faite pour le plaisir. 
Il avait demandé au concessionnaire le plus proche d’en faire l’essai, et était revenu emballé par le flot de sensations voluptueuses que l’auto lui avait généreusement offertes. Il la lui fallait, bon sang, c’était décidé ! De toutes façons, il bénéficiait d’un salaire généreux, et même si leur train de vie était assez dispendieux, ils avaient largement les moyens de se rendre acquéreur de cette merveille. Et puis, il pourrait éventuellement se séparer de la BM, peu kilométrée, qui valait certainement encore une belle somme. Et pour tous les jours, il y avait ce déplaçoir* à mazout qui faisait très bien l’affaire.
Il savait son épouse réticente, mais n’imaginait pas une opposition absolue. Il serait peut-être possible de trouver une voie d’approche qui rendrait les choses plus faciles pour tous les deux. 
Pour en savoir plus, il fallait qu’ils en parlent une fois encore. Il décida d’aborder le sujet dès que l’occasion se présenterait. Ce qui eut lieu au cours d’un repas, quelques jours plus tard. L’ambiance semblait favorable, et sa femme se montrait souriante depuis le matin, un état à apprécier, qui apportait une bouffée de sérénité après de longs jours tendus, sans raison apparente, rendus plus difficiles encore par la maladie récemment diagnostiquée de la belle-mère.
 Tiens, j’ai commandé le livre de Bernard Ollivier, tu sais, c’est un des concepteurs de la nouvelle Alpine, cette voiture remarquable qui…
    Tant que tu te contentes du livre…
    Oui, mais comme je disais, c’est une auto formidable, assez puissante, et de l’avoir conçue plutôt légère la rend tellement agréable à conduire, avec son moteur centr… 
    Oh, ça suffit, tu me l’as déjà répété vingt fois !
 D’ailleurs, sur le forum Alpine Renault, les nouveaux propriétaires le confirment tous les jours. Il n’y a pas que les journalistes qui le disent. Je me demande si…
    Non ! Tu ne vas pas l’acheter ! Tu sais bien que nous ne pouvons pas faire cette folie! Nous avons encore pas mal de choses à régler, financièrement parlant. Et elle est encore plus chère que les précédentes. Il n’en est pas question !
   Mais ma puce… si je la commande maintenant elle ne sera livrée et donc payée que dans plusieurs mois, presque un an… Et puis je vais mettre en vente la…
  ÇA SUFFIT ! ARRÊTE ! Écoute-moi bien, je ne le répèterai pas : si tu l’achètes, je-de-mande-le-di-vorce ! Je suis sérieuse ! On n’en parle plus ! Je ne reviendrai pas là-dessus !
Une porte violemment claquée mis fin à la discussion comme au repas.

Durant le trajet vers son lieu de travail, il revoyait la scène. Il n’avait jamais constaté autant de colère et de détermination chez sa compagne, depuis vingt ans qu’ils se connaissaient. Elle avait vraiment crié haut et fort ! 
         — Je-de-mande-le-di-vorce ! avait-elle clamé en détachant les syllabes !
Il avait du mal à la reconnaître : ces moments fréquents de mauvaise humeur,  sa préoccupation à propos de la santé de sa mère. Et cette sortie, aujourd’hui, terrible, vraiment ! Mais c’est qu’elle était sérieuse, dans ses menaces !…

Il décida de ne plus aborder ce sujet, et reprit le cours de ses journées de travail endiablé.
C’est à peu près à ce moment, que, pour l’aider dans un projet particulier que son patron lui avait imposé en plus de son travail déjà copieux, une jeune femme avait été détachée auprès de lui, pour quelques heures à chaque fois qu’il avait des conclusions à mettre au propre, des courriers particuliers à rédiger pour cette tâche.
Il fut heureux de constater que ce qu’il avait imaginé avec réticence comme un ingrat travail supplémentaire sans intérêt, le passionnait de plus en plus, en grande partie — il devait l’avouer — grâce à cette jeune et jolie collaboratrice. Elle avait cette faculté de comprendre exactement les nuances qu’il voulait mettre dans certaines demandes, d’insister sur les précisions importantes de l’affaire à traiter, bref de non seulement traduire en termes adéquats sa pensée, mais encore de la rendre plus percutante. En plus, elle était toujours disponible et ne prenait jamais de retard dans son travail.
Sur le plan physique, sans être d’une grande beauté, elle se distinguait par un charme indubitable, et souriait facilement, ce qui faisait briller ses yeux clairs et flattait sa denture parfaite. 
Au fil des semaines, leur relation professionnelle prit un tour plus amical, chacun appréciant chez l’autre des qualités qui leur paraissaient essentielles. 
Et comme cela se produit parfois dans les romans, le terme amitié ne suffit bientôt plus à décrire leur relation naissante.

À la maison, le train-train quotidien commença à lui paraître bien fade, surtout qu’il ne pouvait pas oublier la violence exprimée l’autre fois par sa femme, à propos d’Alpine… et de divorce. Ce mot qui faisait mal, rien qu’à le penser. 
Les semaines passèrent, pendant lesquelles son nouvel amour était assombri par des sentiments confus de sa part, où le remords et la culpabilité occupaient une grande place. Un malaise aggravé par le constat d’un éloignement de sa femme, et chez sa nouvelle merveilleuse compagne, par des allusions insistantes à… l’avenir. Lequel semblait, à ses yeux, devoir trouver sa solution dans l’ornementation brillante et rassurante de son annulaire gauche. 

La situation ne peut plus durer. Après avoir vécu des jours difficiles et des nuits sans sommeil, c’est décidé, il se sépare de sa femme ! Mais comment aborder le sujet ? Comment le présenter ? Comment va-t-elle réagir ?
Mêlée à toutes ces questions, une petite phrase tourne dans sa tête depuis des jours, depuis des semaines : « Si tu l’achètes, je divorce ! Si tu l’achètes, je divorce ! Si tu … »
Est-ce que ce ne serait pas la solution ?
De ruminer tout ce fatras de sentiments et d’émotions, pendant des jours et des jours, eut un effet décisif. C’est ainsi que lors de l’un de leurs repas conjugaux, moroses comme à l’habitude, il s’entendit dire d’un trait, à brûle-pourpoint, comme par défi :
   J’ai commandé l’Alpine !
Le cœur en chamade, presque surpris par son audace, il s’attendait à l’expression d’une pénible réaction, d’une extrême violence, qui annoncerait cependant pour lui, une fois les choses décantées, la libération espérée et le début de sa nouvelle vie.
Mais ce fut avec la plus grande stupéfaction qu’il l’entendit dire, d’une voix douce :
  Tu as bien fait, mon chéri ! Tu en avais tellement envie !




*Merci à Pierre L., auteur de ce néologisme.


Nota :
Compte tenu de ma conception de l’honnêteté intellectuelle, je dois préciser que cette nouvelle est une adaptation d’une aventure réellement arrivée il y a fort longtemps à un amateur fanatique des automobiles Morgan. Je ne sais s’il a réalisé ses vœux, le mécanique et l’affectif, et d’ailleurs l’aurais-je su que je n’en aurais pas parlé ici, pour laisser au lecteur le choix de la fin de cette terrible aventure.
Je lui souhaite cependant d’avoir trouvé la solution la meilleure à cette situation hors norme, et le remercie de m'avoir donné l'occasion de rédiger cette courte nouvelle.


vendredi 3 avril 2020

Confinement...


Dans une situation étrange, comme celle que nous vivons aujourd’hui, le temps change de caractère : il n’est pas plus lent, pas plus rapide. Il est différent. Il semble avoir changé de qualité, et avoir modifié le déroulement de nos pensées. J’ai l'habitude d’écouter les miennes, qui ont aujourd’hui tendance à se bousculer dans un temps devenu trop petit pour elles.

Je crois que le moment est venu d’y mettre de l’ordre en les couchant sur le papier fictif de l’écran de mon ordinateur. J’utiliserai pour cela le nous du narrateur.
Peut-être les trouverez-vous aptes à meubler un instant votre … confinement !


Le mot confinement, est un de ces mots peu usités en temps normal, mais que l’on entend, qu’on lit, qu’on pense, cent fois par jour, en ce moment. Son aspect tristounet et son image négative ne nous procurent aucun sentiment positif. Malgré tout, ce vocable est de notre langue et mérite quelque attention de notre part, aujourd’hui.

Confinement vient du verbe confiner, aux multiples sens.
- Confiner à, ou avec, indique une proximité spatiale ou, au sens figuré un rapprochement de concepts.
« Sa propriété confine avec le centre de loisirs de la ville… »
Ou encore :
« Une telle attitude confine à la bêtise… »
- Le verbe confiner peut être employé pour insister sur une appartenance, un choix, un attitude spécifiques :
« Ce coach se confine uniquement à des méthodes extrême-orientales… »
- Enfin, bien sûr, il désigne une relégation, un enfermement suggéré ou imposé en un lieu déterminé. C’est un terme moins coercitif que le mot emprisonnement.
« Les malades sont confinés dans leur chambre… »
Au sens figuré, la notion d’espace physique peut laisser la place à un concept affectif, par exemple :
« Il se confinait dans ses projets de vengeance… »

L’expérience récente se charge de nous expliquer en pratique, ce que veut dire ce verbe, et ce que comporte de contraignant son nom.
Chacun d’entre nous, prisonnier d’occasion, ressent le poids ce cette obligation. Pour certains, elle est excessive, dénonce un excès de précaution, l'utilisation d’un pouvoir inapproprié. Pour d’autres, heureusement les plus nombreux, elle est la preuve d’une acuité prophylactique, une bonne décision en faveur de la pérennité de l’ordre social, et le respect des vies humaines, par les pouvoirs publics. Faute de mieux.

Pour tous, elle constitue une contrainte plus ou moins bien vécue, mais elle est aussi l’occasion de donner libre cours aux questionnements les plus divers sur la vie et la mort, l’ennui, le temps gaspillé, l’argent non perçu, pour les commerçants en particulier.

D’un autre côté, cette obligation sera certainement la cause de comportements inhabituels vis-à-vis d’autrui, que l’autre soit proche ou inconnu. On pense bien sûr à la belle attitude des soignants, et de ceux, qui, à tous les niveaux de l’activité sociale continuent leur tâche même si elle les expose à la contagion.
Ainsi, le centre de dépistage de Marseille, qui connait un afflux de demandes sans précédent, a noté la dignité des patients dans la queue des candidats à la détection, des patients qui portent bien leur nom.
À l’inverse, ce sera aussi l’occasion d’assister à des comportements péjoratifs d’agressivité et d’égoïsme, sous fond de panique inavouée, car à l’opposé des nombreux citoyens qui se plient aux consignes et en acceptent les conséquences, d’autres plus inconscients qu’insouciants ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et de leur intérêt immédiat, et après leurs achats inconsidérés, continuent leurs promenades, leurs visites mondaines, les poignées de mains et les embrassades.

Nous devinons que des mini-drames dus à « trop de contact », vont se produire dans certaines familles qui comportent parmi leurs membres, des individualités habituellement promptes à une certaine forme d’agressivité. Ces personnes, chez qui l’excès d’activité compense un malaise psychologique, un vide intérieur, et qui trouvaient un équilibre dans une plongée aveugle dans leur travail, ou dans une pratique effrénée du sport, vont certainement voir s’aggraver leurs problèmes, et s’en prendront à leurs proches, peu habitués à subir de tels assauts. Tels les alcooliques ou les drogués en manque, ils vont devenir invivables. Ce sont eux qu’aux USA, on appelle les « workoolics »…

De leur côté, plus calmes, les poètes et les amoureux de la nature, cernés par les murs de leur appartement, se sentiront frustrés, particulièrement dans les villes.
Ce qui ne sera pas le cas des habitants des zones rurales, lesquelles ont assisté à une petite invasion de citadins, fuyant leurs villes devenues oppressantes à leurs yeux. 

Dans un autre domaine de réflexion, le confinement et les risques liés à la situation conduisent forcément l’individu à se poser des questions qu’il n’avait jamais abordées auparavant avec autant d’acuité. De ces questions que l’on qualifie souvent de « métaphysiques », peut-être parce qu’elles concernent un aspect de notre existence abordé d’une façon différente, inhabituelle. Le préfixe méta nous y fait penser.
Le terme métaphysique est traduit de différentes façons, et je crois que la meilleure manière de le définir se fait par l’exemple. À la question : « D’où venons-nous? », la réponse biologique est évidente, qui nous parle de nos géniteurs et de la manière qui a permis notre arrivée dans le monde. La réponse métaphysique est bien plus difficile, et concerne le domaine subtil et personnel des croyances, des mythes et des religions.

Mais la question que le confinement fait venir le plus facilement à l’orée de notre conscience troublée par l’angoisse et l’inquiétude, est plutôt celle qui concerne notre devenir immédiat. Et ce n’est pas en un questionnement unique qu’elle se manifestera, mais plutôt sous forme de rafales que nous n’oserons pas formuler clairement. 
Personne ne sait combien de temps cette pandémie sévira, et combien seront les  victimes sacrifiées à son appétit. Peut-être que nous ne le verrons pas. Ou bien, comme nous l’espérons, peut-être que tout sera fini dans quelques semaines, et que la vie reprendra son cours normal. Normal? Pas si sûr, normal n’est peut-être pas le mot qui convient à la situation qui est la nôtre, pandémie ou pas, sur une planète devenue trop petite, surchargée d’êtres vivants rendus déraisonnables par un excès de progrès technique, et par l’oubli des grands principes.

Comment en sommes-nous arrivés à cette surpopulation tragique, d’autant plus irréfléchie que les moyens apportés par le progrès nous ont permis de constater les limites de notre lieu de vie, la petitesse de notre globe, l’approche de la fin de ses réserves naturelles, alors qu’elles semblaient infinies à nos parents? 

Peut-être que l’univers se défend devant les inconvenances de nos comportements critiquables, et qu’il nous fait comprendre que nous avons eu tort de le défier, de le transformer à notre convenance, en nous prenant pour des dieux. Peut-être que notre monde est dans une situation encore jamais rencontrée dans son histoire, et que nous en vivons une période originale, dont personne ne sait rien. Pas même les orgueilleux mais approximatifs statisticiens, illégitimement fiers de leurs modélisations. Car la nature n’a pas de raison de se plier à la conception que s’en fait la pauvre science des hommes.  

Dans la pire des hypothèses, cette épidémie ne cessera qu’à la condition qu’un équilibre soit à nouveau établi, qui permettrait aussi que les plaies de notre habitat guérissent. Ça, c'est la vision instinctive, qui implique la reconnaissance du péché, et l'acceptation de la sentence. C'est aussi la plus courante, la plus péjorative pour notre intellect inquiet. Mais tellement facile à exprimer dans un contexte comme celui-ci!
Alors, il s'écoulerait un temps terrible, qui montrerait peut-être — après la disparition du plus grand nombre — quelques milliers de survivants hébétés errant dans des villes trop grandes, des places de village vides, sur des routes devenues inutiles, et un sol déjà rendu partiellement stérile par la folie de leurs congénères égoïstes.

Les œuvres de science fiction nous ont déjà fait maint tableaux de cette apocalypse dont on se passerait fort bien, et que la si bien dite « folie des hommes » nous aurait concoctée, même sans l'aide de virus. 

Mais cette fois pour de vrai. 


Nota : Quelques corrections ont été rendues nécessaires par la trop grande hâte à m'exprimer . Je pense que la langue française est maintenant un peu moins torturée...