le blogadoch2

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vendredi 29 novembre 2013

La gloire et le pain


Sujet : Une nouvelle, à propos d'une balade à moto.

Il enfile le casque qui, en passant, frotte sur son nez et lui replie les oreilles. Mais ce petit désagrément se transforme bien vite en une sensation de confort chaud et protecteur, assorti d’une impression d’invulnérabilité. D'ailleurs, il est impossible d'en être autrement  avec ce casque prestigieux, qui porte le nom d'un compositeur et qui coûte une fortune. Une belle pièce!

Les bottes neuves qui enserrent doucement ses chevilles, le pantalon avec ses épaisseurs protectrices bien placées, et la veste doublée de molleton et équipée d’un renfort dorsal, complètent le viril équipement. Le voici solide, protégé, invincible, et beau comme un gladiateur à son jour de gloire.

Pendant qu'il ajuste ses gants en tapotant l'une contre l'autre ses mains aux doigts écartés, la quatre-cylindres ronronne en faisant légèrement vibrer ses chromes discrets au soleil revenu. L'hiver est fini, et les impressions encore vives des dernières sorties hasardeuses et glaçantes, sont remisées aujourd’hui au coin de son esprit, dans la case réservée aux souvenirs à oublier.

Cette matinée dominicale s'annonce généreuse et l'air léger promet de vivifiantes goulées d’oxygène. Le pilote et son rutilant destrier sont impatients de s’élancer sur la route ensoleillée, pour une plongée ludique dans l’espace.
Le démarrage est doux, comme pour mieux profiter de la transformation du simple piéton en objet bientôt balistique, et puis la moto n’est pas encore chaude.
En bas de la rue, le feu passe au rouge. Un groupe de joyeuses jeunes femmes qui attendaient pour traverser regardent dans sa direction en se poussant du coude. Derrière la visière du Schubert, il essaie de faire sourire ses yeux, pour leur montrer sa connivence, car c’est bien de l'admiration qu'il lit dans leur regard. Elles apprécient certainement le bel équipage...
Un ronflement de moteur approche dans son oreille gauche, et un motard chevauchant un monstre alourdi de chromes et de cuir, s'arrête à côté de lui. Comme par impatience, ou peut-être pour le défier par sa puissance venue d'outre-atlantique, il essore plusieurs fois sa poignée de droite. Le feu passe au vert, notre héros salue discrétement d’une inclinaison du casque, embraye sec et le laisse sur place au démarrage, en faisant décoller sa roue avant.
— Non, mais, des fois ! Ce n'est pas un freluquet sur une Harley qui va me dépasser : je suis intouchable.

Plus loin, un frêle gamin déjanté, zigzagant sur son scoot, se rabat respectueusement lorsque l'impératif vrombissement du moteur multicylindre le rejoint, puis l'oublie en accélérant encore.

L'impression de complétude, de puissance, de réussite, le remplit d'aise, car rien ne peut l'atteindre. Le moteur monte dans les tours, dans des crescendos alternés par les changements de rapports, le vent souffle un peu plus fort dans son casque, composant avec la puissante musique mécanique, une enivrante harmonie.
Voici la campagne. La petite route offre, soumise, ses douces courbes aux inclinaisons instinctives et parfaites que son pilotage sans faille impose à la machine. La chaussée, la nature, les animaux, le paysage, s'allient en son honneur, dans une adoration païenne :
— C'est lui, nous l'avons reconnu! Il faut lui faire fête!...

Comme cette première sortie de printemps est généreuse, comme il se sent bien, comme il est grand ! L'espace se plie à son désir, et se ratatine s’il l’a décidé. Il accélère et transforme la distance en secondes, change le temps en espace parcouru. Sa puissance est immense, sa gloire est totale lorsqu'elle resplendit, à son gré, au bout du compte-tours, au sommet du tachymètre.
Il est le Roi ! Et il le restera, car, qui pourrait lui enlever ce titre? Il a atteint l'acmé de ses potentialités grâce à son équipement qui l'embellit et le protège, grâce à sa moto qui ronfle de tous ses chevaux, grâce à sa technique et son coup d'œil qui lui permettent ce dépassement physique, affectif, presque spirituel...

Mais le temps est passé, et le voici déjà revenu devant son garage. Les bonnes choses sont toujours trop courtes... Avec regret, sa main droite appuie sur le bouton rouge, puis, réticente, s'en va tourner la clé de contact vers la gauche. Un silence encore sucré s'immisce dans ses tympans, troublé par le claquement habituel de la béquille qui s’ouvre. Il se penche en avant pour faire passer son pied au-dessus de la selle.
Comme ses semelles retrouvent le sol, il se sent bien, grand, heureux. Rien ne peut l'atteindre...
— Ah, te voilà! Tu n'as pas oublié le pain au moins?


Merci à Tinga, et à Bricolo, du forum Seven Fifty, pour l'idée de ce conte.

jeudi 28 novembre 2013

Des parasites pour tous...


Sujet : Il s’agit d’une observation personnelle d’un phénomène rarement observé, qui montre que les fourmis aussi sont victimes de parasites.

Voir la vidéo ici

Si les fourmis sont si nombreuses et si fréquentes, c'est sans doute parce qu'elles n'ont guère de prédateurs. À part le fourmilier, ou son clone le tamanoir, que l’on se représente ramenant une langue filiforme, chargée de fourmis engluées. Une scène qui se passe dans un pays exotique, au détriment de fourmis innombrables et hyper-actives, mais qui ne manque pas de nous laisser un peu frustrés par ses limites, devant la présence envahissante, et, semble-t-il permanente de cette engeance. 



Dans nos contrées, enfant, nous avons longuement observé à plat-ventre, la larve du fourmi-lion, tapie au fond d’un entonnoir creusé dans le sable, attendant qu’un mini-éboulement la prévienne de l’arrivée d’une proie. Celle-ci sera bientôt aspergée de jets de sable et entraînée dans les profondeurs du piège. Mais compte tenu du faible rendement de cette technique de capture, on peut supposer qu’elle ne met pas en danger l’espèce myrmécole*. 



Mais il existe aussi, parmi ceux que l’on peut considérer comme des prédateurs, des insectes redoutables dont la descendance est assurée – bien malgré elle - par la fourmi. Très petits, ils agissent avec beaucoup d’adresse et de persévérance pour effectuer le travail de leur vie : pondre leurs œufs dans le corps d’une fourmi vivante. On devine que ce dernier servira de couveuse et de garde-manger pour la future larve qui devra sa vie à la mort de la fourmi. Compte tenu de leur mode de reproduction, et de leur comportement, ces agresseurs sont appelés parasitoïdes.

D’après les renseignements que j’ai pu réunir, l'un des plus connus parmi les parasitoïdes des fourmis serait un diptère de la famille des phoridae. De très petite taille (1 mm), il fait penser à la mouche drosophile, bien connue des scientifiques, mais lui présente une bosse caractéristique sur le dos de son thorax. Il existe des centaines d'espèces de phorides, chacune s'intéressant à une espèce particulière de fourmis, ou d'autres insectes.
Pour ma part, tout-à-fait ignorant en la matière, mais accoutumé à observer les choses de la nature, et ayant la chance d’habiter la campagne, j’ai eu l’opportunité, à maintes reprises, d’observer le manège de certains de ces minuscules moucherons en train d'agresser mes fourmis commensales.
D’après ce que j’ai pu observer, le moucheron choisit sa proie parmi l’espèce la plus grosse existant dans mon jardin, la tapinoma. Ensuite il suit la fourmi, d’un vol nerveux, parfaitement calqué sur la trajectoire de l’insecte, à environ 1 cm d’altitude, en se tenant à l'aplomb de l’arrière de l’abdomen de la fourmi.
Quelquefois, il plonge sur la fourmi d’une façon tellement rapide qu’on le retrouve aussitôt en vol. Généralement la fourmi sursaute violemment en rentrant son abdomen. Elle accélère follement sa course pendant quelques secondes. Mais le moucheron reprend son manège et s'apprête à recommencer.
Parfois la rencontre d’une autre fourmi va pousser le moucheron à changer d’objectif. D’autres fois, ce sont deux moucherons qui harcèlent la même fourmi.
J’ai eu la chance de pouvoir filmer ce manège à plusieurs reprises, mais le résultat n'était pas bon. La dernière fois fut la bonne, les fourmis se prêtant magnifiquement au jeu. Voici, tirées de cette séquence, quelques images extrêmement rares.


                       La phoride suit la fourmi depuis un moment (photo D.C.O.)





Elle s'est posée sur l'abdomen de la fourmi et va pondre ses œufs en faisant de lents mouvements de copulation (photo D.C.O.)





Le gros plan montre l'oviducte déployé par le moucheron pour insérer ses œufs dans l'abdomen de la fourmi (photo D.C.O.)



Sans se déplacer, la fourmi chasse l'importun à l'aide d'une de ses pattes postérieures. Il reviendra aussitôt (photo D.C.O.)



*myrmécologie
science liée à l'entomologie spécialisée dans l'étude des fourmis.


Nota 1 : On a parlé aussi de rares cas dans les pays chauds, de phorides pondant sur les humains, et provoquant des myiases, infestations cutanées et sous-cutanées qui ressemblent à des furoncles. Et qui guérissent spontanément après l'éclosion de la larve. 
Nota 2 : Matériel de prises de vues : Appareil photo-numérique compact Sony Cyber-shot DSC-HX5V, réglé sur vidéo.
Nota 3 : Le montage vidéo de 7 minutes sera visible sur le net, après l'exposé que je dois faire devant l'Académie du Var, et dont la date n'est pas encore fixée.
Édition : voir la vidéo.