Ce titre, un peu provocateur, va nous permettre
de mettre en évidence quelques secrets de notre univers, quelques uns de ces
phénomènes dont nous ne faisons pas cas habituellement, car ils n’influent pas
directement sur notre vie de tous les jours.
Ces révélations vont expliquer de façon
simple le déroulement du calendrier annuel, en montrant comment le temps et
l’espace se sont accordés pour l’éternité, en devenant complices, sinon proches
parents…
Généralités
Il est commode, pour l’homme qui observe le
ciel, de faire comme si la Terre
était immobile et que le Ciel et les astres qu’il abrite tournent autour de
lui.
Depuis Galilée, nous savons que c’est faux,
et que c’est la Terre qui tourne autour du soleil. Quoi qu'il en soit,
nous voyons le soleil et les autres astres en des endroits du ciel variables. Mais
avec l’impression que nous sommes le centre immobile du Monde, nous les observons
parfois levants, ou bien près du méridien, ou encore couchants, prêts à
disparaître derrière l’horizon.
Mais continuons à faire comme si…
Les
différents types d’astres
Pour mieux comprendre ce qui suit, il est
nécessaire de classer les astres en fonction de leur comportement.
- Nous connaissons bien le rythme du Soleil, qui réalise des cycles de 24
heures. On parle de rythme circadien,
et chaque période de 24 heures ainsi définie porte le nom de nycthémère. L’utilisation de ce mot
évite une confusion entre le jour (du
calendrier), et le même mot pour indiquer la période de la journée pendant
laquelle nous bénéficions de la lumière solaire, comme dans la formule suivante :
« en hiver, les jours sont plus courts ».
Le soleil se « déplace » dans une
zone céleste inchangée, une ceinture de 360° appelée écliptique. Dans cette zone se trouvent également des étoiles dont
la position est fixe par rapport à l’écliptique, un peu comme si elles
indiquaient les crans de la ceinture.
- La Lune
nous est familière également, avec ses phases bien connues des jardiniers, des
marins et des bucherons. Nous la retrouvons à chaque nycthémère, sauf pendant la période dite Nouvelle Lune. Son aspect changeant
est de nouveau le même après un cycle de 28 jours, le cycle sélénien.
- Les Étoiles,
elles, semblent épinglées sur la voûte céleste. Elles gardent les mêmes
dispositions avec leurs voisines, au point que depuis la nuit des temps, on a donné
des noms à leurs groupements les plus caractéristiques : les constellations. Ce sont des ensembles
d’étoiles assez proches entre elles qui dessinent par leur disposition, des
formes géométriques, où les anciens ont parfois cru reconnaître des silhouettes
animales, D’où leurs noms, plus poétiques que réalistes.
L’observation
du ciel
Vous êtes-vous demandé pourquoi le ciel
nocturne n’est pas le même tout au long de l’année, pourquoi certaines
constellations sont visibles en hiver, et d’autres uniquement en été ?
En voici l’explication : si le soleil
me dit par exemple qu’il est 23 heures, et que j’aligne — toujours vers le Sud — deux
repères avec une étoile, le lendemain, à la même heure, je verrai cette étoile
un peu à droite de mon alignement de la veille.
Les astronomes nous diront qu’elle est
passée exactement dans l’alignement à 22 heures 56, soit avec 4 minutes
d’avance. Le cycle quotidien des étoiles est donc de 23 heures 56 et non de 24
heures. C’est pourquoi, les observatoires astronomiques sont équipés d’horloges
spéciales, qui jalonnent le temps en périodes quotidiennes de 23 heures 56
solaires.
Ainsi, en regardant vers le Sud plusieurs
jours d’affilée, on s’aperçoit que les mêmes étoiles sont visibles chaque nuit,
mais une observation soutenue va nous montrer qu’elles se déplacent légèrement
toutes ensemble, avec le fond du ciel. D’une nuit à la suivante, elles nous
apparaissent un peu plus à l’Ouest, à la même heure.
Vous aurez compris maintenant le titre de cet
article. En effet, si les étoiles (avec elles la voûte céleste observée vers le
Sud, telle que nous l’appréhendons) se déplacent chaque jour vers l’Ouest lors
d’une observation faite à partir du même endroit terrestre, et à la même heure,
c’est qu’elles vont plus vite que le soleil. Car c’est le soleil qui donne
l’heure, rappelez-vous !
Nota 1 :
Si l’on regarde vers le Nord, on aura vite fait de repérer l’étoile Polaire,
pour s’apercevoir qu’elle ne change pas d’emplacement, contrairement aux
constellations qui l’entourent, qui « tournent » autour d’elle avec
le temps qui passe.
Nota
2 : Je n’ai pas parlé des planètes, enfants chéris des astrologues, ces
« astres errants », comme disaient les Grecs, car leurs
trajectoires sont irrégulières.
Conséquences
de cette différence de vitesse
- Il est facile de calculer que ce retard du
soleil de 4 minutes par jour deviendra 24 heures au bout d’un an, soit un
nycthémère entier.
L’année solaire devrait compter environ 365,
2422 jours, et non pas 365. La constatation du retard pris par le Soleil, a
conduit les hommes à faire intervenir, environ tous les 4 ans, des années dites
bissextiles, allongées d’une journée*,
pour compenser ce retard.
- Une conséquence évidente de ce décalage
est que — si on pouvait les observer de jour — on constaterait que les étoiles
voisines du soleil ne sont pas les mêmes au cours de l’année. En effet, pendant
cette période annuelle, le soleil est dépassé successivement par toutes les
étoiles qui se trouvent près de sa trajectoire écliptique, pour se retrouver
dans la même compagnie un an plus tard.
Donc, les étoiles qui accompagnent le Soleil
changent avec le temps qui passe, et ceci nous pouvons le constater avec seulement
12 heures d’écart. Ainsi, si je suis le 20 décembre au milieu de la nuit, je
peux voir la constellation d’Orion. Laquelle ne sera plus visible au milieu de la nuit après
quelques mois, à cause du décalage entre étoiles et Soleil : cette
constellation aura continué à avancer l'heure de son passage.
Déjà au bout d’un mois, le soleil aura subi un décalage
de 30 ° par rapport au fond du ciel, donc par rapport à l’écliptique (cette ceinture garnie d’étoiles qu’il
parcourt), puisqu’après 12 mois il se retrouvera à son point de départ, 360° plus
tard. Il sera à nouveau auprès des mêmes étoiles qu’un an auparavant. Donc, chaque mois, le
soleil sera dans un secteur différent de l’écliptique, un secteur de 30°.
Il aura franchi ainsi 12 secteurs
de 30° chacun au cours de l’année.
Parvenu à ce point de l’exposé, nous découvrons
une conséquence extraordinaire de cette différence de rythme entre le soleil et
les étoiles : si le Soleil est chaque jour de l’année dans un secteur de
l’écliptique différent — et bien sûr, de la même façon chaque année — , alors en
examinant dans quel endroit de sa course se trouve le soleil, on peut connaître
la date ! Si le Soleil se trouve en compagnie de telles étoiles, c’est
qu’il est telle date ! La conclusion est fabuleuse : l’espace est devenu
un index du temps !
Je ne sais pas si vous appréciez comme moi
la magie de ce phénomène, mais avouez que pouvoir constater l’existence d’une complicité
totale entre l’espace et le temps — ces deux "paramètres" singuliers — est
une chose stupéfiante !
L’astrolabe,
instrument magique !
- Des astronomes, des savants, des religieux
peut-être, ont utilisé ces observations pour construire l’astrolabe, un appareil étonnant, qui permet entre autres fonctions,
de connaître la position de certains astres, de quelque point du Monde que ce
soit, et ceci à n’importe quelle heure du nycthémère. Il suffit de programmer
la date, l’heure, et la longitude du lieu.
Sur leur instrument, les astrolabistes ont
dessiné un cercle représentant les 12 cases de l’écliptique. Pour se rendre
plus proche des coutumes de l’époque, ils ont donné à ces cases, les noms des
12 constellations de l’écliptique, qu’on appelle alors les signes du Zodiaque**.
Astrolabe classique.
On y distingue le tympan, portant les 24 heures et les lignes d'horizon selon la latitude, l’araignée,
mobile, graduée des 12 signes du Zodiaque (montrant aussi la position des étoiles les plus prestigieuses aux extrémités des pointes), et la réglette, mobile également,
permettant de programmer la date et l'heure.
Astrolabe médical Lavier - Production D.C. Ottavi
L’araignée ne comporte que les 4 étoiles désignées par la
médecine traditionnelle pour représenter les 4 Éléments symboliques : Bois,
Feu, Métal, et Eau. Le cinquième, la Terre, étant l’Élément de référence, donc
stable, ne figure pas ici parmi les variables.
Chacune de ces cases représente donc en unité d’espace 30°, et en unité de temps 1 mois environ, composé
de 3 décans. Connaissant l’heure solaire et la date — pour une longitude terrestre
donnée — il est facile de fixer la position du ciel grâce à l’araignée de
l’astrolabe, qui comporte déjà la position relative des astres principaux. Sur
l’astrolable Lavier, les 4 petits triangles noirs.
Tableau de correspondance entre les longitudes écliptiques
(positions spatiales
d’un astre sur l’écliptique), et les dates (c'est-à-dire positions du
Soleil au cours de l’année).
Les signes du Zodiaque, ont ici un rôle
spatio-temporel.
Ainsi cette représentation schématique de
l’écliptique sous la forme des signes du Zodiaque, acquiert une fonction double
en réalisant l’exploit de servir à la fois d’unité temporelle (les mois de
l’année), et d’unité spatiale (les graduations de l’écliptique).
En se référant à un tableau de
correspondance entre les longitudes écliptiques, les signes du Zodiaque, et les
dates, on devine pourquoi un astronome dira par exemple d’un astre, qu’il se trouve à 140° de
longitude écliptique, alors que l’astrologue parlera de 2è décan Lion. Pour ce
qui est de la date, on le guettera vers le 15 août.
Cette fonction extraordinaire de l’astrolabe
lui permet de donner la position des astres recherchés, à l’instant, ou à
n’importe quel moment du passé ou du futur.
Nous savons que l'astrolabe peut répondre à deux sortes de
problèmes:
- comment est le Ciel à tel instant ?
- à quel moment le Ciel présentera-t-il, ou a-t-il présenté
dans mon firmament***, les astres que je cherche ?
Un sujet supplémentaire d'étonnement apparaît ici : à une
question posée en termes de temps (nous sommes à un instant donné),
l'instrument va répondre en termes d'espace (le Ciel a telle disposition); à une
question concernant l'espace (un aspect précis du Ciel), il donnera une réponse
temporelle (à tel moment).
On peut dire que l'astrolabe est l'instrument spatio-temporel par excellence.
Je ne sais si nos grands ancêtres, et parmi eux les savants,
les sages, les prêtres, avaient une connaissance intuitive de la position des corps célestes
à toute heure du nycthémère, mais il faut bien admettre que cette faculté nous
est refusée. L’astrolabe, par la magie de sa conception, par le miracle de la
nature cosmique, nous offre — à nous pauvres humains quelque peu dégénérés — la
merveilleuse possibilité de prendre connaissance de la position des astres les
plus importants, à quelque moment que ce soit. Qu’il fasse jour, que le ciel
nocturne soit couvert ou trop pollué par les lumières artificielles, l’astrolabe peut nous informer avec précision de la carte du ciel.
N’est-ce pas merveilleux ?
Et ceci, parce que les
étoiles vont plus vite que le Soleil…
Ainsi, une attention toute particulière, portée sur des
éléments peu concernés par notre vie trépidante, comme ceux qui concernent le
ciel qui nous entoure, ou le calendrier qui nous emporte, peut nous permettre
de nous pencher — avec regret parfois —, sur la condition de l’homme
traditionnel, composante légitime du cosmos, qui
partageait de facto un univers
serein, familier et complice, jusque dans ses deux paramètres essentiels, le
temps et l’espace.
P.S.- Je développerai plus tard, le mode d’emploi de l’astrolabe
et son usage en médecine chinoise, lorsqu’elle applique les règles de
l’uranologie****.
(Article spécialement dédié à Didier).
*
Pour de plus amples détails sur le calcul des années bissextiles voir :
**
Chacun sait que les cases de l’écliptique nommées d’après les signes du Zodiaque, ne correspondent plus aujourd’hui avec la constellation réellement
présente sur cette partie de l’écliptique. À la suite du phénomène de précession des équinoxes, le décalage
est d’environ un signe et demi.
Cependant,
ceci n’a aucune importance, car le nom donné aux 12 cases n’intervient pas
comme une donnée dans la recherche. On aurait pu, tout aussi bien, attribuer
aux cases des numéros, des noms de fleurs, d’oiseaux ou de couleurs, par exemple. Mais il
semble que les astrolabistes, aient tenu, au cours des siècles, à conserver ces
dénominations obsolètes et inexactes, plus folkloriques que traditionnelles.
***
Firmament : portion de la voûte céleste visible pour l’observateur.
****Voir
à ce sujet mes articles :
http://leblogadoch2.blogspot.com/2015/03/luranologie-chinoise-est-de-retour-la.html