À cause de l'actualité et de l'immense émotion qu'elle a suscitée, des échanges parfois violents ont lieu sur les réseaux sociaux, dans les forums, et sans doute au sein de quelques blogs.
Je pensais pouvoir ici éviter les sujets qui divisent, sachant bien qu'aucun des lecteurs opposés à son opinion ne sera convaincu par l'auteur. Mais les événements récents sont si graves qu'il importe que certaines vérités soient dites.
Peut-être même seront-elles entendues, et feront disparaître chez certains le sentiment artificiellement imposé de culpabilité vis-à-vis de ces pays qui nous doivent d'exister.
Voici le préambule que j'écrivais dans le calme de mes réflexions autour de mes souvenirs d'enfance qui allaient être publiés sous le titre "Les couleurs de l'Atlas" :
— Mais l'Algérie était une colonie!
— Et alors?
Bien que le propos de ce recueil de souvenirs soit dénué de toute
intention politique, le lecteur d'aujourd'hui ne pourra s'empêcher de rapporter
les événements décrits, au statut politique d'alors de l'Afrique du Nord. Et
peut-être à la situation précaire de cette région aujourd'hui.
En quelques mots, essayons d'apporter un éclairage objectif sur
cette question, afin que des sentiments injustifiés de défiance ne viennent pas
jeter une ombre sur les candides anecdotes qui composent cet ouvrage.
Il est vrai qu'aujourd'hui, l'évocation de la période coloniale de
la France ne se fait généralement que du bout des lèvres, en pesant bien ses
mots, et en évitant les qualificatifs trop généreux. Une attitude dictée par
une pensée soi-disant “politiquement correcte”, qui suppose la France d'alors
coupable d'ingérence brutale et injustifiée, et de sévices envers des pays
innocents.
Sans pour autant nier les aspects critiquables de la colonisation,
je pense cependant que la réalité historique mérite d’être précisée.
Rappelons tout d'abord qu'avant l'arrivée des Européens, l'Afrique
du Nord était peuplée d'envahisseurs venus, après les Romains et bien d'autres,
des pays arabes du Moyen-Orient. Ils devinrent ainsi les sixièmes ou septièmes
colonisateurs de l'originel pays numide, dont les derniers survivants berbères
semblent bien se trouver chez les Kabyles en Algérie, chez les Chleuhs au
Maroc, ou encore chez les Tamasheks plus au Sud.
Il faut dire aussi qu'au XIXème siècle et au début du XXème
siècle, la culture occidentale se complaisait dans des élans pacificateurs et
civilisateurs : chacun pensait qu'il était du devoir des peuples les plus
avancés d’aider ceux qui étaient restés à un stade de développement social et
économique comparativement retardé. Le clergé, pour sa part, se faisait fort
d'évangéliser tous ces peuples, qu'il considérait comme privés de spiritualité
et même de morale.
On peut supposer bien sûr, que la perspective de l'exploitation
possible de richesses minières non exploitées, ou de terres souvent sans nom ou
dédaignées, ait servi la cause des partisans de la colonisation.
Enfin, il est impossible de passer sous silence le fait que la
France était continuellement victime, en ses provinces méridionales, de razzias
barbaresques qui emmenaient une partie de leur jeunesse en esclavage, après
avoir pillé récoltes et foyers, et cela plusieurs fois par an. Elles duraient
depuis si longtemps que les villages méridionaux s'étaient réfugiés sur les
pointes des collines, pour tenter, en vain, d'y échapper. Parmi les raids les
plus meurtriers, on cite par exemple le sac de la campagne toulonnaise par une
véritable armée de 5000 hommes, venus du Maghreb sur une flottille de cinquante
navires qui s'étaient ancrés dans l’anse de Sainte Marguerite.
Une mise au pas de ces pillards opportunistes fut jugée
nécessaire.
Des français, plus aventureux que d’autres, ou certains,
déstabilisés dans leur province natale, comme les Alsaciens, ainsi que divers
européens, avaient accepté, sans états d’âme, de se lancer dans une aventure
dynamique, vers ces jeunes pays, ensoleillés mais frustes, éloignés mais
sécurisés, à la rencontre de peuples encore privés des connaissances, des
réalisations, et des facilités du monde moderne.
Certains participeront à l'installation des infrastructures
techniques, comme les routes, les voies de chemin de fer, les écoles, les
barrages hydro-électriques, ou les hôpitaux. D’autres mettront leur énergie
dans la réhabilitation des terres incultes, offrant eux aussi, aux populations
locales, des opportunités d’embauche. Et tous les services nécessaires à la vie
d'une société en expansion vont se créer naturellement.
Chacun sait — mais fait mine d'oublier — que la population de
l'Afrique du Nord d'origine européenne occupait dans son immense majorité, des
professions tout à fait classiques, et n'exploitait personne. Les offres
d'emploi étaient nombreuses pour tous, européens ou autochtones. Naturellement
les rémunérations des salariés répondaient à la loi du marché, car, comme
partout dans le monde, et comme toujours, le montant des salaires était régi
par la règle officieuse mais universelle, de l'offre et de la demande.
Rappelons en aparté, que seules, certaines peuplades indigènes
pratiquaient par tradition, depuis des temps immémoriaux, l'esclavage. Un
comportement qui perdure encore de nos jours, sans que les bonnes âmes ne s'en
émeuvent le moins du monde.
Au contraire, parmi les actions philanthropiques organisées après
la pacification et pour donner un exemple, c'est la plupart du temps par
vocation que les enseignants furent spontanément enclins à se sentir investis
de la noble mission d'apporter le savoir. Après tant d'autres, avec tant
d'autres, ce fut le cas de mes parents.
Et jamais les instituteurs, pas plus que les autres migrants,
n'eurent à se plaindre d'agression à leur encontre. Au contraire, la présence
française et l'enseignement prodigué en langue française, furent appréciés...
jusqu'aux premiers troubles terroristes — qui, justement pour cela, frappèrent
d'abord des enseignants —, c'est-à-dire pendant près d'un siècle et demi de
coexistence pacifique.
C'est donc dans une ambiance sereine et dans un pays radieux, au
cours de la première partie du XXème siècle, que mes parents exercèrent leur
fonction digne et gratifiante, et que j'eus le bonheur de vivre les premières
années de mon existence, celles qui laissent tant d’impressions.
Nota : Les commentaires sont les bienvenus.
Bonjour DoCh, nous avons les mêmes souvenirs, je m'en doutais depuis un moment.
RépondreSupprimerMerci d'avoir rappelé que nous n'étions pas "que" des exploitants. Mon père était ajusteur aux chemins de fer Algérien (accessoirement pompier volontaire) et ma mère tenait une épicerie avec ma grand mère chemin des pèlerins (pas spécialement un quartier de nantis).
J'aime toujours autant tes écrits.
Amitiés, Fernand.