le blogadoch2

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samedi 28 avril 2018

Science Fiction ?



Une nouvelle nouvelle basée sur la SF. Et cette fois, en deux parties, juste pour le suspens...

Dimanche 29 avril 2018 :
Ne voulant pas faire durer le suspens car n'étant pas porté au sadisme (!), je vous présente la nouvelle dans son intégralité... 
Bonne lecture!




Alfred Leroux rêvait d’être écrivain.
Son métier monotone au sein d’une administration somnolente l’ennuyait profondément. Et entre deux imprimés qu’il avait la charge de contrôler, son esprit s’échappait de plus en plus souvent, lorsque dans sa tête se construisait presque à son insu, une jolie phrase, aux mots dansants, qu’il imaginait imprimée en caractères noirs sur le fond blanc de la page d’un de ses livres à succès. Comme celle-ci, par exemple:
"Ébloui par les eaux miroitantes du lac aux éclats brillants, il laissait son esprit flotter dans les dédales fleuris de son imagination..."
Il n’avait pas conscience de la médiocrité de son style, et s’imaginait romancier reconnu :
— Je vois très bien mon nom, Alfred Leroux, en haut de la couverture de mon prochain livre. On penserait que je suis parent avec le célèbre Gaston Leroux, connu des amateurs d’histoires mystérieuses.
Il avait tenté d’écrire un roman, quelques années plus tôt, mais n’avait jamais trouvé d’éditeur. Aujourd’hui, il se sentait plus mûr, plus averti, et se dit qu’il était temps de faire un autre essai. Commencer par une nouvelle, par exemple. Mais dans un domaine peu commun : le monde de l’étrange, des phénomènes mystérieux... Tiens, un récit de science fiction, par exemple! Oui, ce serait parfait!
Mais là encore, comment sortir des sentiers battus, comment ne pas retomber dans les clichés mille fois cités au cinéma, usés dans les bandes dessinées, répétés dans les romans dits SF?
— Il me faut un sujet nouveau, jamais exploité. Quelque chose d’inattendu, d’étrange, et pire, de terrible, de tragique...

Les semaines qui suivirent ne lui permirent pas d’avancer dans sa recherche. Son imagination demeurait stérile, sa muse faisait la grève.
— Je n’ai plus qu’une solution, demander de l’aide...
Le voici devant un coquet petit pavillon de banlieue, au bout d’une impasse donnant sur la campagne toute proche. Un ami de ses parents habitait là. Depuis toujours, on l’appelait : "Monsieur Graminet".
Les tenants de l’aptonymie pourraient penser qu’il est herboriste, ou vétérinaire spécialisé dans le soin de chats obèses. Que nenni! Tout le monde le considérait comme un savant, à cause de ses fonctions passées, dans le cadre du CNRS. On savait qu’il avait été quelque chose comme chercheur, anthropologue, archéologue, historien, sociologue... Mais c’était surtout un puits de science assez peu orthodoxe. Il avait appris à lire avec Homère, et depuis, l’histoire de l’homme le passionnait.
Une réputation particulière le qualifiait, parce qu’il n’hésitait pas à aller à l’encontre des idées toutes faites, et à contredire les fondements mêmes de la formation qu’il avait reçue, lorsqu’il s’agissait de l’histoire de l’humanité. Dans sa longue carrière, cette attitude non conforme à la pensée universitaire, lui avait valu beaucoup d’ennuis et peu d’avancement, comme on peut le supposer. Mais s’il n’en avait tiré aucune gloire, il avait été heureux de garder son indépendance d’esprit et de défendre ses propres convictions.
Encore maintenant, lorsque ce sujet était abordé, il s’animait avec feu, et son indignation presque juvénile faisait oublier les quelques 35000 jours qui pesaient sur ses épaules :
— Ces types qui décident des programmes de recherche, sont tellement formatés, ils ont l’esprit tellement borné, qu’ils ont perdu toute faculté imaginative. Ils ne sortiront jamais du cadre universitaire. Comment leurs recherches peuvent-elles aboutir, s’ils pensent que c’est ce qu’on leur a appris qui contient toute la vérité? Je vous donne des exemples rapides :
-        Nous ne descendons certainement pas du vagin d’une guenon, c'est évident! Mais il ne faut pas contredire cette hypothèse;
-        À l’époque appelée Âge de bronze se sont construits des monuments que l’on aurait du mal à imiter aujourd’hui. C’est sans doute avec un petit burin de bronze et un petit marteau, qu’on a taillé des blocs de 100 tonnes, qu’on les a déplacés, et empilés au millimètre près?
Mais quand je soulève ces objections devant mes collègues, ils me répondent :
 — C’est bien beau, tout ça, mais nous ne savons pas quoi faire de ces constatations. Elles n’entrent pas dans le cadre de nos certitudes universitaires. Alors...

En marchant vers le petit pavillon, Alfred se dit que, compte tenu de son état d’esprit, monsieur Graminet sera l’homme le plus apte à l’aider à trouver un thème original pour son récit de fiction.
— Content de voir, mon cher Alfred, que tu essaies à ta façon de t’échapper aussi du cadre étriqué de ton métier. C’est bien d’avoir des projets d’écriture, je veux bien t’aider, et te lancer sur quelques pistes originales.
Que dirais-tu d’une histoire contemporaine avec, ou plutôt contre, des extra-terrestres, par exemple? On va faire le tour de ce qu’on peut imaginer comme thèmes...

Quelques heures plus tard, la bouche encore imprégnée du goût d’une vieille fine de qualité, et la tête zonzonnante de tous les thèmes abordés, Alfred prit congé de son vieil ami.
De retour chez lui, bouillant intérieurement de mille idées, il se jette sur son ordinateur et ses doigts courent sur le clavier :

Titre : Mères porteuses pour Aliens

Mise en situation :
       La nuit est noire dans cette campagne des Pouilles. Une ferme isolée. Dans sa chambre au grenier, Angelina, une jeune fille solide de 18 ans s’agite dans son lit : des choses bizarres se passent, comme dans un cauchemar, et lui procurent un certain malaise. Elle croit même, à un moment donné, se retrouver dans une pièce qui ressemble à une chambre d’hôpital, entouré d’êtres blanchâtres qui sentent mauvais.
       Un village du Vaucluse, la jeune Julie sort à demi de son sommeil, car elle a l’impression qu’on est entré dans sa chambre. Mais ses paupières sont lourdes, et elle ne parvient pas à en savoir plus. Malgré elle, elle replonge dans un sommeil peuplé d’êtres bizarres, émettant une odeur nauséabonde.
       Valence, Espagne : au dernier étage d’un immeuble, Rosa, 17 ans, fait un cauchemar : le plafond de sa chambre s’ouvre et elle est aspirée dans un rayon de lumière... Des petits personnages parlent dans sa tête, et la manipulent physiquement.

Suite :
       Ces jeunes femmes se réveillent avec une impression étrange, envahies par un certain malaise physique, mais sont incapables de se rappeler quoi que ce soit. Aucune d’elles n’est inquiète. Cependant Julie est un peu étonnée de se retrouver vêtue d’une chemise de nuit qu’elle n’a jamais vue...

Monsieur Graminet?  Excusez-moi de vous déranger de si bonne heure. J’ai écrit une bonne partie de la nuit. Mais j’ai un problème : comment peut-on expliquer que ces femmes n’ont, non seulement aucun souvenir, mais surtout ne ressentent aucune angoisse? Et même, d’après votre suggestion, qu’elles seraient plutôt sereines? Et ne trouvent pas très anormal d’avoir changé de vêtement de nuit...
— Ah, tu as trouvé la faille. Eh bien, disons par exemple, que si elles se sentent bien, c’est en rapport avec leur épistaxis.
Alfred, sidéré :
— Leur... é-pis-ta-xis?
— Oui, elles ont toutes, au réveil un peu de sang séché à la narine droite.
— Et...
— Et cela vient du fait qu’on leur a planté un trocard dans les fosses nasales, perforé le vomer, pour insérer à la base du cerveau, une puce électronique. À partir de ce moment, elles sont sous la domination des Aliens, qui peuvent non seulement les contrôler, mais influencer leur douleur, leurs affects, leur mémoire, leur comportement.
— Mon Dieu! Quelle imagination! Votre réputation n’est pas usurpée, monsieur Graminet! Merci, je note tout ça, c’est génial comme idée...

Développement
Ainsi, les Extra-terrestres peuvent continuer leurs petites affaires sans que les victimes n’aient simplement la possibilité de se rappeler ce qui leur est arrivé. Et si, confusément, elles en gardent quelque souvenir, leur conditionnement fait qu’elles n’éprouvent aucun besoin de s’en étonner, aucune nécessité de le faire savoir.
Pourtant, des informations répétées concernant ce sujet se sont répandues, et des chercheurs curieux — à l’image de monsieur Graminet sans doute — se sont intéressés de près à ces prétendus enlèvements. Pour avoir le maximum de renseignements, ils ont proposé aux victimes de se prêter à une ou plusieurs séances d’hypnose sous contrôle médical. Dans tous les cas, les détails de leur aventure ont afflué, ont précisé et confirmé ce que l’on imaginait sans pouvoir y croire.

— Monsieur Graminet, c’est encore moi, Alfred. Comment peut-on décrire le processus de l’enlèvement physique, alors que ces jeunes femmes dorment dans une chambre close? Est-ce que les Aliens cassent la porte ou la fenêtre?
— Mon petit, il faut que tu fasses fonctionner un peu ton imagination! Je ne sais pas tout... Tu pourrais peut-être suggérer que les Aliens, s’ils ont des vaisseaux si rapides, si performants, si silencieux, si maniables, s’ils arrivent à franchir ce qui sépare notre monde du leur, c’est sans doute parce qu’ils ont des possibilités extraordinaires que nous ne connaissons pas.
Ce n’est pas parce que notre savoir et notre science ont des limites, que l’univers doit se plier à ces limites.
Sans doute qu’un toit, un mur, ou une porte ne les arrêtent pas… Invente!

Alfred retourna à son manuscrit :
L’évolution de ces êtres venus d’ailleurs est tellement en avance par rapport à la nôtre que l’on peut imaginer qu’ils ont la possibilité de pénétrer à l’intérieur des maisons, sans rien casser (à développer, AL).

Julie, pendant la séance d’hypnose raconte :
— Je suis entraînée hors de mon lit... Je me revois... noyée dans une lumière bleutée, qui m’emporte comme en m’aspirant...
J’ai une autre image... d’une chambre blanche... pleine de lumière, une impression d’activité, on me touche... on pénètre mon ombilic... Pendant ce temps, on parle dans ma tête, comme pour me rassurer. Mais il se passe... beaucoup... de choses...
— Vous êtes dans cette pièce blanche, et on vous manipule, on vous parle. On pratique sur vous une cœlioscopie. Souffrez-vous?
— Non, pas vraiment, mais ce n’est pas agréable... je sens “qu’on me fait des choses“...
— Avez-vous vu des êtres?
— Oui, des petits avec la tête qu’on dessine toujours... un gros crâne... un visage étroit, des yeux immenses tout noirs. Je crois qu’avec eux, il y avait aussi des très grands... presque filiformes. Et cette odeur! Une horrible odeur...
— Maintenant, on vous ramène à votre lit. Vous souvenez-vous de votre retour?
Les sujets, même sous hypnose, ne se souviennent pas de leur retour quelques heures plus tard.
— Non, je me suis réveillée... un peu vaseuse, dans mon lit. Je ne sais pas comment... Et cette chemise de nuit...
— Ce n’était pas votre chemise de nuit?
— Non, pas du tout! Ce n’est pas la mienne!
— Avez-vous constaté des traces sur votre corps?
— Du sang séché à la narine droite... et quelques marques... comme si on avait appuyé très fort avec les doigts... sur mon menton.
— Et votre ombilic?
— C’est vrai, il a été à peine sensible pendant quelques heures.
On demande ensuite à la jeune femme, si elle a subi un seul, ou plusieurs enlèvements :
— Je ne sais pas. J’ai des souvenirs qui se heurtent...
— Ces événements ont eu lieu il y a presque un an maintenant. Après votre enlèvement, avez-vous constaté un arrêt de vos règles?
— Oui... pendant 3 mois environ.

Angelina, la petite paysanne des Pouilles, a raconté qu’elle avait le souvenir que ses règles avaient été interrompues à 5 ou 6 reprises, au cours des dernières années.

Depuis la nuit des temps, de la même façon, des centaines de milliers de femmes gravides subissent le même sort. Et certaines, de multiples fois, comme la jeune Italienne.
Des chercheurs passionnés par le sujet, ont mis sur pied un questionnaire comprenant de multiples questions indirectes, qu’il ont adressé à des milliers de jeunes femmes, prises au hasard. Les réponses ont laissé supposer, qu’à leur insu, un certain nombre d’entre elles avaient été enlevées.
Il semblerait que les Aliens préfèrent les filles aux yeux verts appartenant au groupe Rh moins. Allez savoir pourquoi...

Ainsi, pour une raison que nous ignorons, les envoyés de ces autres Mondes utilisent les jeunes femmes de notre planète comme des mères porteuses. Ils ont trouvé un moyen de créer de nouveaux êtres en combinant une semence mâle avec les gonades des femmes de la Terre (développer, AL).
Ils reviennent deux ou trois mois plus tard récupérer le foetus, qu’ils ont sans doute le moyen d’élever “en couveuse“. Les jeunes femmes retrouvent leurs règles, et sans doute avec l’aide de la puce implantée dans leur cerveau, “oublient“ l’incident.

— Bonjour, monsieur Graminet, je reviens vous voir avec le brouillon du squelette de ma nouvelle. Je voudrais que vous en preniez connaissance. Bien sûr, je vais broder pour faire monter l’angoisse du lecteur, et meubler le tout avec des faits un peu “gore“...
Je pense que ça va plaire. En tous cas, merci beaucoup, vous avez une sacrée imagination!
Monsieur Graminet chausse ses lunettes et lit avec attention, pendant qu’Alfred sirote sa fine.

— Alors, qu’en pensez-vous? Il y a un concours de “Nouvelles de Science Fiction“, en ce moment, je suis certain d’être sélectionné!
— Non.
— Comment “Non“ ?! Grâce à vous, le thème est justement fantastique, c’est ce qu’il faut pour un concours de science fiction, non? Et puis, ce n’est pas trop mal écrit, je me suis appliqué, je crois avoir fait des progrès. Et vous pensez que je ne serai pas sélectionné au concours de science fiction?
— Vous ne le serez pas.
Alfred, stupéfait :
— Et pourquoi? Puis-je savoir, s’il vous plaît?
Monsieur Graminet prit le temps de replier le document, d’ôter ses lunettes, et de finir son verre, avant d’annoncer tranquillement  :
— Parce que ce n’est pas de la science fiction.




M. Graminet a-t-il raison?
Quelques éléments peuvent peut-être vous aider à vous faire une opinion, dans l'article : "Les sources de M. Graminet".







5 commentaires:

  1. Et bien après le café du matin, cela déchire, comme disent les jeunes ! Comme dans les grands feuilletons populaires du 19eme, vivement la semaine prochaine.

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  2. Merci à Unknown d'apprécier la volontaire imitation des feuilletons des siècles passés.
    C'est l'allusion de Alfred à Gaston Leroux qui m'a donné cette idée. Et la question posée était idéale pour déclencher un suspens intéressant. La chute n'est pas en reste, non plus.
    Suite bientôt...
    D.

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  3. Et d'abord je ne m’appelle pas Unkwown, mes amis me connaissent sous lez nom de P7R et je roule avec une Dame des Temps anciens.
    Cette fois le café a eu du mal à passer,car finalement qui suis je ? Venu d'un autre ailleurs, si cela n'est pas de la Science Fiction. Il en a de bien bonnes le Professeur Grasminet quelque chose, j'aimerais bien voir Madame Graminette pour savoir ce qu'elle en pense.
    Bon je vais essayer d'aller faire la sieste et de ne pas rêver.
    Mais en tout cas, Doch, comme disent les anglais : "good job!".

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  4. Merci pour le compliment!

    Je me doutais bien que tu avais oublié de signer...

    J'ai fait lire le texte à ma dame Graminette à moi. Elle a cru que c'était l'œuvre d'un écrivain... Bah, l'erreur est humaine.
    D.

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  5. Retombant par hasard sur ce texte, je dois préciser que l'on comprend mieux les premiers commentaires lorsqu'on sait que le texte avait été prévu en deux parties, et avait effectivement vu pour un temps sa première partie publiée jusqu'à la question :
    — E-pis-ta-xis?

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