le blogadoch2

le blogadoch2

mardi 15 septembre 2015

L'automobile de plaisance

Je prends ma clef de contact sur l'étagère de l'entrée, et tout en me dirigeant vers le garage, j'oublie pour l'instant la métaphysique des chemins initiatiques, pour me consacrer à des émois bien plus futiles : ceux que me procure toujours et encore la conduite d'un engin à moteur...

Pour moi, l'automobile utilisée dans un but autre qu'utilitaire, change de visage et mérite qu'on l'appelle “automobile de plaisance“, comme l'usage le veut pour les bateaux de ces particuliers qui aiment à voguer.



Non, l’automobile n’est pas un simple instrument à transporter des gens : elle est beaucoup plus qu’un déplaçoir[1]. Elle peut même être une idole pour certains! Ceux-là revêtent alors l’habit de l’officiant, et sont prêts, pour elle, à faire de gros sacrifices. Ce que n’ignorent pas les pouvoirs publics, qui, sans aucun état d’âme, la noient sous les taxes.

Car l’automobile nous tient. Elle nous fait du charme, comme le font tous les beaux objets, qu’ils soient manufacturés ou œuvres d’art. Et nous l’aimons, parce qu’elle est belle, et parce que sa beauté laisse espérer un fonctionnement attachant, des performances exaltantes, dans des conditions plaisantes.
Et nous savons bien que cette aventure automobile, qui nous a emporté dès notre plus jeune âge, n’a pas prévu de nous rendre la liberté.

Au-delà de l’attirance visuelle qu’une auto nous procure, nous savons que nous resterons enchaînés par la drogue qu’elle distille, par la promesse de cette poussée vers l’avant sur une route ensoleillée, dans l’espace universel qui nous fait alors croire qu’il va, lui, échapper à l’emprise du temps.
Oui, nous resterons prisonniers de la séduction de nos merveilleuses machines, qui savent satisfaire nos oreilles et nos sens kinésthésiques, en transformant un moteur à pistons alternatifs en une turbine enragée, au mouvement rond, puissant et émouvant.

Elles savent nous promener dans un confortable cocon lorsqu’il le faut. C’est-à-dire quand nos passagers délicats méritent plus d’attention que celle que déciderait égoïstement notre futile propension au ludisme. Ou encore quand les conditions de circulation, dans notre monde surpeuplé l’exigent. Ne citons que pour mémoire les impératives limitations de vitesse, instaurées par la statistique, à la manière des vaccinations obligatoires : c’est-à-dire pour un prétendu bonheur de la société, plus que pour celui, réel, de l’individu.

Parfois aussi — il faut bien l’avouer — l’automobile se glisse dans le corps caché d’un diable de Tasmanie, et, dès la clé de contact tournée, se met à hurler de tous ses pots, et s’apprête à faire gémir ses pneus torturés… Elle va entamer alors des pas de danse endiablés sur une chaussée complice, qui s’est vidée des profanes pour faire place à l’initié qui la “conduit“ maintenant : un aurige exigeant des temps modernes, lancé, avec délectation mais application, dans un combat futile contre les limites du monde manifesté.

Il sait que c’est une activité inutile, mais justement pour cette raison, elle est indispensable à son petit bonheur du moment. Ses sens exacerbés, ses possibilités physiques au mieux de leurs potentialités, l’autorisent, grâce aussi à une injection naturelle d’adrénaline, à franchir quelque peu le seuil de la raison, pour une excursion futile dans un autre monde qui va lui sembler soumis.

Ce comportement peut choquer les esprits rigides, ou les caractères pusillanimes, qui sont les plus enclins à respecter le mode de vie imposé par une vision “politiquement correcte“ de la société et de ses incitations. Cependant, il n’est ni blâmable, ni répréhensible de choisir un mode de conduite où la vitesse pure n’a aucune importance, et où seules les sensations procurées par la vitesse relative sont recherchées : en respectant le code de la route, on peut se livrer sans scrupule et sans danger, à ces petits moments de liberté retrouvée. C’est sur les routes de l’arrière-pays, ces petites routes jaunes ou blanches des cartes routières, que peut se concrétiser la possibilité de donner libre cours à ces envies que l’emprise de la société et de sa pensée unique nous interdisent généralement de satisfaire…

Mais chut, ne l’ébruitez pas!
—    Vive l’auto!



[1] Merci à Pierre G. pour l’invention de ce mot.

3 commentaires:

  1. Hello !
    Le terme déplacoir est à rendre à César en l'occurrence l'ami Z alias Tezec.
    Mais je pense avoir utilisé le terme automobile de plaisance aussi. Qui de l'oeuf ou de la poule ?
    P7R

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, merci pour cette précision! J'en tiendrai compte.
      Amitiés,
      D.

      Supprimer
  2. Cher P7R, je viens de constater la date de ton commentaire. Il faut savoir que je ne suis pas prévenu de l'arrivée de commentaires. Google me dédaigne car je refuse d'adhérer au réseau Google+...
    D.

    RépondreSupprimer