À la demande générale (euh...), voici la suite de ce voyage initiatique, qui date un peu...
Jeudi 10 septembre : Montgaillard-Saint Christau (76 km)
Départ sous un ciel bien gris. Va-t-il pleuvoir ? Pour l'instant j'apprécie les beaux paysages qui se dévoilent le long de la route de Lourdes. Route vallonnée mais facile. Saint-Pé-de-Bigorre, Lestelle-Betharram, et autres jolis villages. Belles demeures anciennes, de style "notaire". Je traverse même Bruges …
Casse-croûte dans un abri d'autobus, bien propre, près du square, à Louvie-Juzon. Il ne fait pas chaud et pleuviote. Je demande au facteur à vélo qui vient ramasser le courrier dans la boite jaune (lui, il sait ce que pédaler veut dire), si la petite route vers Saint-Christau est difficile, ou s'il vaut mieux emprunter la grande route et faire le détour par Oloron. Il m'encourage à prendre la première, qui va traverser le bois du Bager, une forêt impressionnante.
Le poncho est bien arrimé : il recouvre bien le guidon, et, dans le dos, il est rentré sous ma ceinture-banane pour ne pas remonter dans les tourbillons. La capuche n'est pas utilisée, je porte le casque qui me protège totalement le crâne et le haut du visage grâce à la visière. Equipé comme ça je peux rouler indéfiniment, ou presque …
La longue montée dans la forêt est aisée. La pluie éclabousse la route tandis que ruisselets et cascatelles bruissent de partout. Mes pieds sont trempés mais je ne ressens pas du tout le froid, c'est presque confortable.
Mais quelle soif! J'ai fini ma réserve d'eau tout à l'heure en mangeant et je roule depuis un bon moment sans trouver ni fontaine ni station-service. Je tire la langue (au sens propre) et lèche l'eau qui coule sur ma lèvre. C'est loin d'être suffisant, aussi je lorgne le petit lac qui se forme dans le poncho au-dessus du sac de guidon et que je vide de temps à autre pour éviter du poids inutile. Je finirai par le boire avec délice, maintenant que le poncho est bien rincé.
Dans la dernière montée, je suis dépassé par des jeunes gens à VTT, chargés de grosses sacoches mais pas protégés de la pluie. L'un d'entre eux est en polo. Je me dis qu'ils doivent être trempés jusqu'aux os.
Puis la route descend vers Saint-Christau. Il y a un hôtel juste à l'entrée. Il n'est que 14 heures 30 et je ne ressens aucune fatigue. J'hésite un instant, car la ville la plus proche est Oloron, à 10 km, un peu en dehors de ma route maintenant que j'ai pris ce raccourci, et plus loin, il n'y aura plus de possibilités de se loger. Je choisis de m'arrêter ici. Et cela coupe bien en 2 étapes le trajet qu'il me reste à couvrir jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port, qui est encore distante d'environ 80 km. Il pleut toujours.
L'Hôtel des Vallées est très curieux : un large couloir donnant accès à droite à un salon, à gauche à la salle à manger-bar, et au fond à une véritable cour intérieure comme dans les maisons arabes, avec une galerie à l'étage, en bois, qui fait tout le tour. Mais cette cour est fermée par une verrière bombée comme une piscine d'hiver, ou une gare... Plus loin, on trouve une salle de bal (ou autres activités), le tout en parquet… Cet établissement a dû avoir ses heures de gloire. Les chambres d'origine sont maintenant complétées par des "motels", comme celui que j'aurai : un joli petit chalet dans le verger, avec mezzanine et lits en haut et en bas, coin cuisine et tout. Mon vélo sera tout seul dans un coin de la salle de bal qui doit bien faire 20 mètres sur 10.
Ici, je suis sur la route du col du Somport, qui se trouve à environ 40 km au Sud. C'est une voie du chemin de Compostelle, mais elle est traditionnellement réservée aux "opératifs", c'est-à-dire les compagnons, maçons, charpentiers, et autres ingénieurs et architectes. Elle rejoint le Camino francesà Puente la Reina, en Espagne. A partir de là-bas, le chemin est unique. Je préfère me classer parmi les "spéculatifs" et emprunter comme eux le col de Roncevaux, passage le plus qualifié.
Je prends des revues sur le présentoir de la galerie et passe une après-midi plutôt cool, après la petite lessive. Le dîner sera d'une longueur éprouvante, mais tout ceci est acceptable car je bénéficie du tarif VRP, 275 F avec le petit déjeuner.
Vendredi 11 septembre : Saint Christau-Saint Jean Pied de Port (80 km)
Malgré l'étude préalable de la carte, je me trompe de route et effectue 2km pour rien. La bonne direction retrouvée, je prends mon rythme sous un ciel bas. Quelques trous dans les nuages font croire qu'il ne pleuvra peut-être pas aujourd'hui.Vamos a ver.
Je traverse Arette, village rendu tristement célèbre par le tremblement de terre des années 50. On trouve ici de très beaux paysages : la campagne revue par un imagier d'EpinaL Le village d'Aramitz, en particulier, est magnifique, avec ses maisons propres et fleuries. Le cadre qui l'entoure est ravissant : petits vallonnements, ruisseaux et rivières, bois et près, maisons et chemins dans le lointain. L'horizon ne montre que collines et montagnes des Pyrénées. Ce village qui s'étend sur le plateau possède curieusement un magasin moderne et assez important de location d'articles de sport d'hiver.
Plus loin, à Tardet, c'est l'opposé. Ici, les maisons sont grises et mal entretenues, décrépies ou ruinées. Le village n'est pas du tout soigné. Une rue principale sans harmonie avec quelques vilaines arcades. Les villages suivants sont dans le même style : est-ce cela le Pays Basque?
J'évite le détour par Mauléon, et me dirige vers le Col d'Osquitch. C'est le premier vrai col du voyage. La montée commence sans prévenir au niveau de la plaque du village de Musculdy. Y-a-t'il ici une allusion aux muscles nécessaires ?
Le pourcentage est assez gentil et régulier. Au bout de 4 ou 5 km, on arrive au panneau, à côté duquel un paysan vante et vend son fromage. Mais ce col est bien frustrant car il n'y a pas de sommet bien net, ni de point de vue à l'endroit le plus élevé.
Je m'arrête un peu plus loin, à l'abri du garage d'un restaurant, car, s'il ne pleut pas, il fait plutôt frais. Pendant que je me restaure avec mes provisions, un jeune cycliste arrive, assez chargé. C'est un pèlerin Suisse qui attend son compagnon de route, un vieux de 58 ans, qui mettra 20 minutes pour arriver. Ce dernier, aussitôt le pied à terre, demandera quel est son retard. On lui ment un petit peu, alors il affirme mériter une récompense, et sort ses cigarettes. Il s'est remis à la bicyclette depuis 3 mois pour s'entraîner en vue du voyage, et utilise un vélo type "demi-course", avec dynamo et garde-boue, chargé comme un mulet. Ils vont cahin-caha vers Compostelle, et sont enchantés de leur périple depuis Saint-Julien : "la France est très belle".
La route maintenant descend, mais pas jusqu'à l'arrivée. J'ai repéré un petit raccourci sur la carte, mais les panneaux qui ont l'air bricolés, indiquent un nom bizarre comportant des X, pas le même que sur la carte : œuvre des autonomistes? La petite route est en assez mauvais état, et ne dessert que des fermes et un village triste, où il faut encore trouver sa route. Plusieurs fois des chiens agressifs m'ont donné l'assaut, un assaut resté vocal (grâce à mes cris à moi ?). Je regrette un peu la route normale qui devait être bien plus sympathique.
J'arrive à Saint-Jean-Pied de-Port sous quelques gouttes. A l'entrée de la ville un grand magasin de sport et de cycles m'interpelle, comme on dit. Je demande encore une fois ma pommade miracle, la crème Kramer. Encore une fois, la réponse est négative. Une vendeuse compatissante me conseille l'Akiléine Nok, en pharmacie. Il paraît que la marque rendue célèbre par son "dentifrice pour les pieds" a étendu sa gamme aux produits anti-frottements.
Je trouve l'un des hôtels conseillés par le Routard et m'y installe. Douché et habillé presque normalement (survêtement), je me rends, par les rues moyenâgeuses, à la Société des Amis de Saint-Jacques, qui se trouve juste à côté de chez Madame Debril, spécialisée dans l'histoire du pèlerinage de Compostelle, et jusqu'à ces derniers temps, seule référence pour les pèlerins. Cette dame, citée par mon compère Claude, je l'évite, car elle n'avait jamais répondu à mes lettres de demandes de renseignements. J'ai appris plus tard qu'elle n'aime pas les pélerins qui utilisent le vélo sur le Camino. Et mes timbres pour la réponse alors ?
Par contre, le couple de bénévoles (BC BG) qui "fait sa semaine", me reçoit très cordialement et tamponne mon credencial, (sorte de passeport pour faciliter le logement dans les auberges de pèlerins en Espagne, et … document-souvenir), en s'étonnant d'être les premiers à le faire depuis mon départ. Fallait-il le faire tamponner par les hôteliers ? Ils me disent que je suis pour eux, le premier pèlerin "patronné" par la toute nouvelle Société des Amis de Saint-Jacques de Provence.
Etant à mi-hauteur de la Citadelle, je pousse jusqu'au sommet et me promène sur les remparts et dans les fossés de ce batiment très bien conservé. Sacré Vauban! Grâce à la table d'orientation au dessin naïf, je repère au loin le col de Roncevaux que je franchirai demain : il me paraît suffisamment haut.
En redescendant, je repasse au bureau d'accueil pour demander un renseignement complémentaire, et la dame est contente parcequ'elle avait oublié de me demander mon âge, "pour les statistiques". Dans le doute, elle avait écrit : 54. Flatteuse, va!
J'ai effectué 670 km français depuis Arles. Il en reste dans les 800, espagnols.
À demain!
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