Un petit texte pour tenter de cerner les rapports que le monde moderne pourrait avoir avec l'uranologie, cette ancienne science du ciel, dont j'ai parlé plus avant*...
Rappelons-nous que les marins, en respectant les effets de la lune sur le niveau des mers, que les jardiniers qui plantent, taillent et récoltent en fonction des phases lunaires, que les bûcherons qui n'abattent les meilleurs bois qu'en lune descendante, tous se soumettent depuis toujours aux influences venues du ciel...
Nous savons que la nature est influencée par le rythme solaire et présente des phases d'activité et de repos. Plus curieusement, les oiseaux (et nos coqs), chantent alors que la nuit est encore d'encre, sans doute parce qu'ils reçoivent un signal leur annonçant l'apparition prochaine des premières lueurs du jour.
Notre physiologie suit le rythme circadien et nos fonctions
biologiques présentent des phases de moindre activité dès que le soleil
disparaît.
Hôtes du monde cosmique, nous en partageons les énergies, que nous le voulions ou pas.
*
Monstrant astra viam roburque
ministrant
(Les astres montrent la route et
procurent la force.
Devise de cadran
solaire)
L'homme moderne, épuisé par les
problèmes matériels, et asphyxié par les exigences qui en découlent, a depuis
longtemps perdu le contact avec l'univers dont il est pourtant, sans le savoir,
une des composantes légitimes.
Mais que la clameur mécanique du
monde qui l'entoure s'estompe tant soit peu, que ralentisse la course éperdue
qu'il tente contre la fuite du temps, que les valeurs qui le motivent quittent
pour un instant le monde de la quantité pour se colorer des chatoyantes nuances
de la spiritualité, alors, dans un hiatus culpabilisant, cet homme malade de la
civilisation, sentira parvenir à l'orée de sa conscience les prémisses de
quelque question essentielle quoique informulée. Il cherchera vraisemblablement
des éléments de réponse dans une démarche d'ordre spirituel, mais qui sera, le
plus souvent, à son insu, d'ordre pseudo-spirituel, ce que n'ignorent pas les
collecteurs d'âmes perdues qui sévissent plus nombreux chaque jour, sous la
forme de gourous, de sectes, ou d'autres mouvements d'un prétendu "nouvel
âge".
Si, au lieu de ceci, il obéissait
par hasard à la Tradition qui suggère de se tourner vers le Haut, vers le Ciel
— éventualité rarissime, car il ne saurait qu'y rechercher — il n'y trouverait
que l'aspect banalement météorologique ou astronomique du firmament, le plus
important lui échappant, faute de la connaissance nécessaire :
"Tout le monde regarde ce que
je regarde, mais personne ne voit ce que je regarde", disait Lacordaire.
A l'opposé, les Chinois de la Haute
Époque n'avaient pas encore oublié pourquoi la création les avait dotés, seuls
parmi les êtres vivants, d'une verticalité autant métaphysique que
structurelle, qui les élevait vers la subtile qualité et les autorisait à
porter le qualificatif indiscuté de Peuple Céleste. La communion qu'ils
entretenaient avec le Ciel, sans fausse humilité, n'était que la confirmation
permanente de la place qu'ils savaient détenir, de facto, au sein de l'univers
: la plus grande sérénité leur était ainsi acquise sans qu'ils aient le moindre
besoin de se battre pour obtenir le droit de partager l'ordre universel.
Mais pour être éternelles, les
relations de l'homme avec le Ciel n'en sont pas moins fort négligées de notre
temps. Seraient-elles frappées d'obsolescence? Devant une telle vacuité, il
n'est peut-être pas totalement inutile de se tourner vers cette civilisation,
une des plus anciennes quoique des moins méconnues, afin de tenter de retrouver
un modèle de réflexion sur quelques-unes de ces notions éternelles.
Grâce aux extraordinaires travaux de
Jacques André Lavier, qui fut en particulier l'inventeur** de la "Science
du Ciel" des proto-Chinois, et parce que le statut de l'homme véritable
reste inchangé, une démarche est encore possible, dans laquelle la physiologie,
la pathologie, les activités sociales et spirituelles de chacun d'entre nous,
peuvent se concevoir sous un aspect plus serein sinon plus rassurant, même au
sein des ruines de ce siècle en décomposition.
Il suffit pour cela, d'ôter ses
œillères, et de libérer son ouie d'un excès de bruits trop prometteurs pour
être vrais. Il n'est nul besoin d'ouvrir son cœur, déjà fort sollicité par
ailleurs, les éléments de cette science étant plus intellectuels que
sentimentaux. Il suffit en somme "d'avoir des yeux pour voir, et des
oreilles pour entendre".
(Extrait de mon livre en cours de
réédition, "les Ciels de l'Homme")
*Voir les articles "Uranologie chinoise, de retour à la maison", et "Des écrits en préparation 1".
** Le mot inventeur prend ici son sens "archéologique", et désigne une personne qui remet au jour des objets ou des notions oubliés.
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